par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 26 septembre 2012, 11-22399
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
26 septembre 2012, 11-22.399

Cette décision est visée dans la définition :
Garantie




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :


Attendu, selon l'arrêt attaqué, que le 16 février 2007, M. X... a acquis auprès des époux Y... un navire d'occasion modèle Tarquin 595, moyennant un prix de 230 000 euros ; qu'il était convenu que la vente ne deviendrait définitive qu'après une expertise amiable du bateau, réalisée par la société EMP, laquelle a diagnostiqué le 19 avril 2007 une anomalie du moteur "tribord" nécessitant des travaux de réparations, pris en charge par les vendeurs ; que "les clauses de réserve" prévues à l'acte de vente ont été levées par l'acquéreur le 19 avril 2007 ; que les travaux de réparation ont été réalisés par la société Penouest qui a alors décelé de nouveaux désordres au niveau du moteur "babord" ; que par acte du 19 février 2008, M. X... a assigné les vendeurs, sur le fondement de la garantie des vices cachés, en paiement de dommages-intérêts et en remboursement du coût de réparation du moteur "babord" ;

Sur le moyen unique, pris en ses quatre premières branches :

Vu les articles 1641 et 1642 du code civil ;

Attendu que pour débouter M. X... de ses demandes, l'arrêt énonce qu'il appartenait à ce dernier, quel que soit son niveau de qualification, de faire procéder aux essais nécessaires et de prendre toute initiative utile pour s'assurer de l'absence de vice affectant les moteurs, seule une sortie en mer, en présence de techniciens, étant de nature à établir ces vices, ce qui, compte tenu du prix du navire, constituait une précaution élémentaire ; que les époux Y... sont donc fondés à prétendre que les vices affectant le moteur babord n'étaient pas cachés, mais apparents, dès lors qu'il appartenait à M. X... d'essayer le navire acheté ;

Qu'en ajoutant ainsi à la loi une condition qu'elle ne prévoit pas, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;



Sur le moyen unique, pris en sa septième branche :

Vu l'article 1645 du code civil ;

Attendu que l'arrêt énonce encore que la notion de vice caché ne peut en soi fonder une action propre en dommages-intérêts laquelle n'est que l'accessoire d'une demande en résolution de la vente, lorsqu'elle est exercée avec succès, l'article 1645 du code civil ne fondant pas un régime spécifique et autonome de responsabilité pour vice caché, indépendamment de toute action résolutoire ou estimatoire ;

Qu'en statuant ainsi, alors que l'action en réparation du préjudice éventuellement subi du fait d'un vice caché n'est pas subordonnée à l'exercice d'une action rédhibitoire ou estimatoire et, par suite, peut être engagée de manière autonome, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

Et sur le moyen unique, pris en sa huitième branche :

Vu l'article 1134 du code civil ;

Attendu que l'arrêt retient enfin qu'en acceptant la levée des conditions suspensives, M. X... a renoncé à se prévaloir de toute anomalie concernant précisément l'objet de celles-ci ;

Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que M. X... avait renoncé, sans équivoque, à se prévaloir de la garantie des vices cachés, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres branches du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 13 mai 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Poitiers ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne M. et Mme Y... aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. et Mme Y... ; les condamne à payer à M. X... la somme de 3 200 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six septembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour M. X....

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de l'ensemble de ses demandes et de l'AVOIR condamné au paiement d'une indemnité de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

AUX MOTIFS QUE « par compromis de vente signé le 16 février 2007, monsieur et madame Y... ont vendu à monsieur Gérard X... un navire Tarquin 595, dénommé Rehana, de l'année 1991, pour un prix de 230 000 € ; qu'il était convenu que la vente deviendrait définitive après une expertise du navire, un inventaire de l'équipement et un essai du bateau en mer ; que le 19 avril 2007, la société Expertise Maritime Plaisance, chargée de l'expertise du navire, a décelé une anomalie sur le moteur tribord, appelant des travaux de réparations ; que ces travaux ont été effectués par la société Penouest pour un montant de 17 387,75 €, et lors des essais à la livraison, cette société a décelé des problèmes sur le moteur babord ; qu'elle a établi un devis pour les travaux de réparation de ce moteur pour un montant de 9 216,76 € ; que le 18 juillet 2007, saisi à la requête de monsieur X..., le président du Tribunal de Grande Instance de LA ROCHE SUR YON a ordonné une expertise qu'il a confiée à monsieur Ambroise Z... ; que l'expert a déposé son rapport le 26 novembre 2007 ; que c'est dans ces conditions que monsieur Gérard X... a fait assigner monsieur et madame Y... aux fins d'obtenir réparation de son préjudice découlant, selon lui, d'un vice caché antérieur à la vente ; que si, dans le dispositif de ses écritures d'appel, monsieur X... vise expressément les articles 1147, 1641 et suivants du Code civil, il ne développe, dans les motifs de celles-ci, aucune argumentation concernant les conditions d'application de la responsabilité contractuelle de droit commun à la présente espèce ; que s'agissant de la garantie des vices cachés, telle qu'elle résulte des articles 1641 et suivants du Code civil, il ressort des explications des parties, des pièces communiquées et du rapport d'expertise judiciaire, que le navire a été convoyé le 3 avril 2007 de son port d'attache de Trébeurden au port de Paimpol, en présence des vendeurs et de l'acquéreur, en vue de l'expertise contractuelle prévue pour le 4 avril 2007, laquelle a été effectuée par la société EMP ; que lors du convoyage, il n'a pas été possible de pousser les moteurs, la mer étant agitée ; que le lendemain, l'expertise s'est déroulée à quai, dans le port de Paimpol, sans qu'une sortie en mer soit effectuée, le rapport d'expertise n'en faisant pas état ; que monsieur X..., présent pendant les opérations d'expertise, n'a pas demandé de sortie en mer afin de faire pratiquer aux essais des deux moteurs de 735 chevaux jusqu'à leur puissance nominale, soit 2 300 tours ; que la société d'expertise EMP n'est pas dans la cause, et qu'une expertise ne peut être ordonnée, même à titre subsidiaire, pour pallier la carence de monsieur X... dans l'administration de la preuve, afin de déterminer les conditions dans lesquelles la société EMP a effectué sa mission d'expertise ; qu'il appartenait à Monsieur X..., quel que soit le niveau de sa qualification, de faire procéder aux essais nécessaires et de prendre toute initiative utile pour s'assurer de l'absence de vice affectant les moteurs, seule une sortie en mer, en présence de techniciens, étant de nature à établir ces vices, ce qui, compte tenu du prix du navire, constituait une précaution élémentaire ; que les époux Y... sont donc fondés à prétendre que les vices affectant le moteur bâbord n'étaient pas cachés, mais apparents, dès lors qu'il appartenait à monsieur X... d'essayer le navire acheté ; qu'au surplus la notion de vice caché ne peut en soi fonder une action propre en dommages et intérêts laquelle n'est que l'accessoire d'une demande en résolution de la vente, lorsqu'elle est exercée avec succès, l'article 1645 du Code civil ne fondant pas un régime spécifique et autonome de responsabilité pour vice caché, indépendamment de toute action résolutoire ou estimatoire ; qu'en l'espèce, aucune action de ce type n'a été exercée, étant rappelé que l'action estimatoire suppose la réunion d'un collège d'experts, ce qui n'a pas été demandé, monsieur X... limitant sa demande à des dommages et intérêts (laquelle ne peut être confondue avec une diminution du prix), que ce soit au titre des travaux de reprise ou au titre de l'immobilisation du navire ; qu'en outre, la réduction du prix ne se confond pas nécessairement avec l'allocation de dommages et intérêts ; qu'enfin, en acceptant la levée des conditions suspensives monsieur X... a renoncé à se prévaloir de toute anomalie concernant précisément l'objet de celles-ci »

1. - ALORS QUE le vice apparent est celui qu'un acheteur peut déceler, par lui-même, après un examen apparent de la chose vendue ; Qu'en l'espèce, la Cour d'appel, après avoir constaté que le compromis prévoyait que la vente deviendrait définitive après un essai du bateau en mer, a retenu que « seule une sortie en mer, en présence de techniciens, éta it de nature à établir ces vices » ; qu'en reprochant à l'acquéreur de ne pas avoir fait procéder à une sortie en mer en présence de techniciens pour lui interdire de prétendre au caractère caché du vice litigieux, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé en conséquence les articles 1641 et 1642 du Code civil.

2. – ALORS QUE l'acquéreur ne saurait être tenu de faire procéder à des investigations sur la chose par un technicien pour y déceler d'éventuels vices cachés, peu important à cet égard la valeur d'acquisition du bien ; qu'en retenant que, « compte tenu du prix du navire », une « sortie en mer, en présence de techniciens, constituait une précaution élémentaire » qui, faute d'avoir été prise, empêchait l'acquéreur de prétendre au caractère caché du vice, la Cour d'appel a violé les articles 1641 et 1642 du Code civil.

3. – ALORS QUE le simple fait qu'il ait fallu une expertise pour déceler le vice suffit à démontrer qu'il était caché ; qu'il en va ainsi, a fortiori, lorsqu'une première expertise a échoué à mettre au jour le vice ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a décidé que le vice affectant le moteur bâbord était apparent, après avoir constaté que l'expertise prévue au compromis avait seulement mis au jour le vice affectant le moteur tribord, à l'exclusion de celui affectant le moteur bâbord, lequel n'avait été décelé que dans le cadre d'une seconde expertise ; qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé les articles 1641 et 1642 du Code civil.

4. – ALORS en tout état de cause QUE le compromis stipulait seulement « un essai du bateau en mer avec le vendeur » ; qu'en reprochant à l'acquéreur de ne pas avoir fait procéder à « une sortie en mer en présence de techniciens », la Cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

5. – ALORS QUE la condition émise au caractère définitif de la vente d'un bateau et tenant à un essai en mer autorise l'acquéreur à ne pas conclure la vente s'il n'est pas procédé à l'essai convenu ; que la renonciation à cette condition ne le prive pas du droit d'invoquer l'existence d'un vice caché affectant le bateau ; qu'en retenant, après avoir constaté que le compromis prévoyait que la vente deviendrait définitive après un essai du bateau en mer, que l'acquéreur n'avait pas demandé de sortie en mer, la Cour d'appel, qui a seulement caractérisé la renonciation de l'acquéreur à l'une des conditions posées au compromis en sa faveur et non sa renonciation à se prévaloir d'un vice caché affectant la chose, a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1641 du Code civil ;

6. – ALORS QUE la demande tendant à obtenir le paiement des frais de réparation du moteur d'un bateau affecté d'un vice caché a pour objet de replacer l'acheteur dans la situation où il se serait trouvé si la chose vendue n'avait pas été atteinte de ce vice, et non de bénéficier d'une indemnisation ; qu'en l'espèce, l'acheteur sollicitait la condamnation des vendeurs à lui rembourser une somme de 9 216,76 € au titre des frais de réparation du moteur défectueux d'une part, à lui verser une somme de 25 830 € à titre de remboursement des frais générés par l'immobilisation du navire pendant près de 6 mois d'autre part ; qu'en retenant que l'acquéreur avait limité sa demande à des dommages et intérêts, que ce soit au titre des travaux de reprise ou au titre de l'immobilisation du navire, et que cette demande ne pouvait être confondue avec une diminution du prix, quand la demande en paiement des travaux de reprise avait pour objet de replacer l'acheteur dans la situation où il se serait trouvé si la chose vendue n'avait été affectée d'aucun vice caché, la Cour d'appel a violé les articles 1644 et 1646 du Code civil ;


7. – ALORS en tout état de cause QUE l'acquéreur peut obtenir une indemnisation indépendamment ou en complément d'une action rédhibitoire ou estimatoire lorsque le vendeur avait connaissance du vice de la chose ; qu'en l'espèce, l'acquéreur soutenait, sur la base des conclusions de l'expert Z..., que compte tenu des effets du vice décelé (impossibilité pour le moteur bâbord de donner toute sa puissance), de leur manifestation dans un contexte météorologique normal et du fait que les vendeurs étaient propriétaires de longue date, ils ne pouvaient ignorer l'existence du vice ; qu'en retenant que l'acquéreur sollicitait seulement des dommages et intérêts, qui ne pouvait être formulée indépendamment d'une action résolutoire ou estimatoire, la Cour d'appel a violé l'article 1645 du Code civil ;

8. – ALORS QUE les clauses élusives de la garantie des vices cachés sont d'interprétation stricte ; qu'en se bornant à relever que l'acheteur avait signé la levée des conditions suspensives le 18 avril 2007, sans constater qu'il avait déchargé le vendeur de la garantie des vices cachés, la Cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 1134, 1641 et 1643 du Code civil ;


9. – et ALORS QUE le vendeur de mauvaise foi ne peut se prévaloir d'une clause de non-garantie, l'acquéreur y aurait-il renoncé ; qu'en l'espèce, l'acquéreur soutenait, sur la base des conclusions de l'expert Z..., que compte-tenu des effets du vice décelé (impossibilité pour le moteur bâbord de donner toute sa puissance), de leur manifestation dans un contexte météorologique normal et du fait que les vendeurs étaient propriétaires du bateau depuis de nombreuses années, ils ne pouvaient ignorer l'existence du vice (voir conclusions p. 5 et 6) ; qu'en se bornant à relever que l'acheteur avait, en levant les réserves, renoncé à la garantie des vices cachés, sans rechercher, comme il le lui était expressément demandé, si le vendeur n'avait pas eu connaissance du vice avant même la conclusion de la vente, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1643 du Code civil ;



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Cette décision est visée dans la définition :
Garantie


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.