par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. civ. 1, 6 avril 2011, 09-17130
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
6 avril 2011, 09-17.130
Cette décision est visée dans la définition :
Gestation pour autrui (GPA)
LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur les deux moyens réunis :
Attendu que Y...est née le 27 octobre 2001, dans l'Etat du Minnesota, aux Etats-Unis, de Mme B...., qui était convenue le 29 octobre 2000, avec M. et Mme X..., de nationalité française, d'un contrat de gestation pour le compte d'autrui, l'embryon provenant des gamètes de M. X.... et d'une donneuse anonyme ; qu'un jugement du 31 octobre 2001 du tribunal local a constaté que M. X.... était le père biologique de Y..., que la garde de l'enfant lui était confiée et que Mme B... et son époux renonçaient à tout droit sur l'enfant ; qu'un second jugement du même jour a constaté que Mme B... n'entendait pas conserver ses droits parentaux sur l'enfant qui prenaient fin par cette décision ; que l'acte de naissance de Y..., établi le 1er novembre 2001 sous le timbre de l'Etat du Minnesota, a désigné M. et Mme X... comme ses parents ; que, de retour en France, ils ont obtenu du juge des tutelles, le 3 décembre 2003, un acte de notoriété constatant la possession d'état d'enfant légitime de Y... à leur égard; que le ministère public ayant refusé d'en porter la mention à l'état civil , M. et Mme X... ont engagé une action, à titre principal, en transcription de l'acte de notoriété, et, à titre subsidiaire, en établissement de la filiation paternelle de Y... par la possession d'état ; que Mme A... a été désignée en qualité d'administratrice ad hoc chargée de représenter la mineure dans la procédure ;
Attendu qu'il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué (Douai, 14 septembre 2009) d'avoir rejeté la demande principale, alors, selon le premier moyen :
1°/ que la possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui indiquent le rapport de filiation et de parenté entre un individu et la famille à laquelle il est dit appartenir, sans aucun lien avec un contrat ; qu'en relevant, pour débouter M.et Mme X... ainsi que Mme A... de leur demande de transcription de l'acte de notoriété dressé le 3 décembre 2003 établissant la possession d'état de l'enfant Y... sur le registre de l'état civil français, que cette possession d'état est viciée comme procédant d'une convention de gestation pour autrui illicite, la cour d'appel a violé les articles 311-1 et 320 du code civil dans leur rédaction alors applicable ;
2°/ que la possession d'état résulte d'un comportement qui doit être continu et non équivoque ; qu'en relevant, pour débouter M. et Mme X... ainsi que Mme A... de leur demande de transcription de l'acte de notoriété dressé le 3 décembre 2003 établissant la possession d'état de l'enfant Y... sur le registre de l'état civil français, que cette possession d'état est viciée comme résultant d'une convention de gestation pour autrui atteinte d'une nullité d'ordre public, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé en quoi la possession d'état de l'enfant Y... aurait été discontinue ou équivoque, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 311-1, 311-2 et 320 du code civil dans leur rédaction alors applicable ;
3°/ que l'enfant né de la gestation pour autrui peut voir sa filiation reconnue par la possession d'état ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles 16-7 et 16-9 du code civil par fausse application et 311-1, 311-2 et 320 du code civil, dans leur rédaction alors applicable, ainsi que les articles 3-1 de la Convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
4°/ que dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; que la cour d'appel a expressément relevé que Mme B..., la femme gestatrice, a renoncé à tous ses droits parentaux vis à vis de Y... , laquelle a été remise dès sa naissance à M. et Mme X... qui l'ont traitée comme leur enfant et ont pourvu à son éducation et à son entretien ; qu'en refusant de reconnaître aux époux X... la possession d'état de l'enfant Y... , la cour d'appel, qui a méconnu l'intérêt supérieur de cette enfant de voir reconnaître en droit français le lien établi entre elle et les personnes l'ayant élevée, l'une étant au demeurant son père biologique, a violé les articles 3-1 de la Convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, ensemble, l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Qu'il est ensuite fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté la demande subsidiaire alors, selon le second moyen :
1°/ que la possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui indiquent le rapport de filiation et de parenté entre un individu et la famille à laquelle il est dit appartenir, sans aucun lien avec un contrat ; qu'en relevant, pour débouter M. X... de sa demande de reconnaissance de la possession d'état de l'enfant Y... , que cette possession d'état est viciée comme procédant d'une convention de gestation pour autrui illicite, la cour d'appel a violé les articles 311-1 et 320 du code civil dans leur rédaction alors applicable ;
2°/ que la possession d'état résulte d'un comportement qui doit être continu et non équivoque ; qu'en relevant, pour débouter M. X... de sa demande de reconnaissance de la possession d'état de l'enfant Y... , que cette possession d'état est viciée comme résultant d'une convention de gestation pour autrui atteinte d'une nullité d'ordre public, la cour d'appel, qui n'a pas caractérisé en quoi la possession d'état de l'enfant Y... aurait été discontinue ou équivoque, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 311-1, 311-2 et 320 du code civil dans leur rédaction alors applicable ;
3°/ que l'enfant né de la gestation pour autrui peut voir sa filiation reconnue par la possession d'état ; qu'en jugeant le contraire, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles 16-7 et 16-9 du code civil par fausse application et 311-1, 311-2 et 320 du code civil, dans leur rédaction alors applicable, ainsi que l'article 3-1 de la Convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen ;
4°/ que dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; que la cour d'appel a expressément relevé que Mme B..., la femme gestatrice, a renoncé à tous ses droits parentaux vis-à-vis de Y... , laquelle a été remise dès sa naissance à M. et Mme X... qui l'ont traitée comme leur enfant et ont pourvu à son éducation et à son entretien ; qu'en refusant de reconnaître à M. X... la possession d'état de l'enfant Y... , la cour d'appel, qui a méconnu l'intérêt supérieur de cette enfant de voir reconnaître en droit français le lien établi entre elle et la personne l'ayant élevée, au demeurant son père biologique, a violé l'article 3-1 de la Convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, ensemble, l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen ;
Mais attendu qu'en l'état du droit positif, il est contraire au principe de l'indisponibilité de l'état des personnes, principe essentiel du droit français, de faire produire effet à une convention portant sur la gestation pour le compte d'autrui, nulle d'une nullité d'ordre public aux termes des articles 16-7 et 16-9 du code civil ; que ce principe fait obstacle aux effets en France d'une possession d'état invoquée pour l'établissement de la filiation en conséquence d'une telle convention, fût-elle licitement conclue à l'étranger, en raison de sa contrariété à l'ordre public international français ;
Que dès lors, la cour d'appel a retenu à bon droit, qu'en l'état de la convention du 29 octobre 2000 portant sur la gestation pour le compte d'autrui, la possession d'état de Y... à l'égard de M. et Mme X... ne pouvait produire aucun effet quant à l'établissement de sa filiation ; qu'une telle situation, qui ne prive pas l'enfant de la filiation maternelle et paternelle que le droit de l'Etat du Minnesota lui reconnaît ni ne l'empêche de vivre avec les époux X... en France, ne porte pas atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale de cette enfant au sens de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, non plus qu'à son intérêt supérieur garanti par l'article 3 § 1 de la Convention internationale des droits de l'enfant ;
D'où il suit que la cour d'appel a rejeté à bon droit la demande des époux X... et de Mme A... en transcription du certificat de notoriété constatant la possession d'état de Y... à l'égard de M. et Mme X... ainsi que celle, subsidiaire, de M. X... visant à voir établi le lien de filiation existant entre lui et cette enfant par la possession d'état ; que les moyens ne sont pas fondés ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les époux X... et Mme A..., ès qualités, aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six avril deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Gadiou et Chevallier, avocat aux Conseils pour les époux X... et Mme A..., ès qualités.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur et Madame X... ainsi que Madame A... de leur demande de transcription de l'acte de notoriété dressé le 3 décembre 2003 établissant la possession d'état de l'enfant Y... sur le registre de l'état civil français, d'AVOIR dit qu'il ne pourra plus être fait état de cet acte de notoriété dressé par le juge d'instance de Tourcoing et qu'aucune copie ne pourra plus être délivrée, d'AVOIR ordonné la transcription du jugement et de l'arrêt au greffe du tribunal d'instance de Tourcoing sur l'acte de notoriété ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE les articles 16-7 et 16-9 du code civil prévoient qu'est nulle de nullité d'ordre public toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui, qu'en se rendant aux Etats-Unis afin d'y conclure une convention de mère porteuse, les époux X... n'ignoraient pas qu'ils enfreignaient cette règle d'ordre public ; que la convention ayant permis la naissance de l'enfant Y... est donc incontestablement frauduleuse ; que dès lors, et en application du principe selon lequel la fraude corrompt tout, la possession d'état sur laquelle les demandeurs se fondent pour voir établir un lien de filiation légitime à leur profit et l'acte de notoriété qu'ils ont ainsi obtenu sont eux-mêmes viciés et ne peuvent donc permettre l'établissement d'un tel lien ; qu'en effet, la possession d'état doit être notamment, selon l'article 311-2 du code civil, exempte de vice ; que tel ne saurait être le cas lorsqu'elle découle d'une convention frauduleuse ; que dès lors, l'acte de notoriété ne peut être invoqué à l'appui de la demande de retranscription puisqu'il constate une possession d'état viciée ; qu'en rappelant ces principes, le Ministère Public n'a fait qu'appliquer le code civil sans que la référence à la circulaire parue en cours de litige et qui ne reprend que ces principes puisse lui être reprochée ; que par ailleurs, la Convention de New York sur les droits de l'enfant garantit notamment à celui-ci l'accès à ses origines ; qu'or, l'application de la convention frauduleuse aurait pour effet de consacrer un mensonge : en effet, l'acte de naissance qui serait établi sur le fondement de cette convention aboutirait à nier totalement les conditions dans lesquelles l'enfant a été conçu ; qu'en outre, et en tout état de cause, même s'il a refusé de transcrire l'acte de notoriété, le Ministère Public n'a pas commis une voie de fait et n'a pas agi en contrariété avec l'intérêt de l'enfant ; qu'il a non seulement préservé l'ordre public de direction posé aux articles 16-7 et 16-9 du code civil mais aussi garanti à l'enfant l'accès à ses origines ; que l'enfant aura toujours une filiation paternelle établie, ce qui ne peut lui faire grief ; qu'il résulte de l'ensemble de ces motifs que les demandes formées tant par les époux X...que par Mme A... ès-qualités d'administrateur ad hoc de l'enfant Y... doivent être rejetées ; qu'en conséquence, les demandeurs ne pourront se prévaloir de la possession d'état viciée pour obtenir la retranscription de l'acte de notoriété sur l'acte de naissance de l'enfant ; qu'ainsi, ledit acte de notoriété ne pourra plus être utilisé et aucune copie ne pourra en être délivrée ;
ET AUX MOTIFS PROPRES QU'en application de l'article 20-III de l'ordonnance 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation, lorsque l'instance a été introduite avant son entrée en vigueur, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne ; que cette loi s'applique également en appel et cassation ; qu'il convient en conséquence de faire application au présent litige introduit par actes des 20 juillet et 10 septembre 2004 des règles applicables antérieurement à l'ordonnance du 4 juillet 2005 ; qu'en application de l'article 320 ancien du code civil, la filiation légitime peut se prouver par possession d'état ; qu'en application de l'article 311-3 ancien du code civil, les parents peuvent demander au juge des tutelles que leur soit délivré un acte de notoriété faisant foi de la possession d'état jusqu'à preuve contraire ; qu'en l'espèce, Monsieur et Madame X... se sont vu délivrer le 3 décembre 2003 un certificat de notoriété constatant la possession d'état d'enfant légitime de Y... à leur égard et il appartient donc au Ministère Public qui conteste la validité de cette possession d'état d'apporter la preuve contraire ; qu'il n'est pas contesté que Monsieur et Madame X... traitent Y... depuis sa naissance comme leur enfant et pourvoient à son éducation et son entretien ; que cependant la possession d'état doit, pour pouvoir constituer une présomption légale permettant d'établir la filiation, être légalement exempte de vice ; qu'en l'espèce, la possession d'état de Y... à l'égard de Monsieur et Madame X... résulte de la convention de gestation pour autrui conclue entre Monsieur et Madame X... et Madame B... en vertu de laquelle Madame B... leur a remis Y..., dont elle venait d'accoucher, après insémination artificielle, l'embryon étant conçu avec un gamète de Monsieur X... et un ovocyte provenant d'une donneuse anonyme ; que cette possession d'état repose ainsi sur un contrat portant sur la gestation, contrat atteint, en application des articles 16-7 et 16-9 du code civil, d'une nullité absolue qui s'impose aux parties comme au tiers ; que dans ces conditions, une telle possession d'état est viciée et ne peut avoir d'effet en ce qui concerne la filiation quel que soit le demandeur ; qu'il ne peut être valablement soutenu que cette absence d'effet porte atteinte à l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen à l'intérêt supérieur de l'enfant, tel que protégé par l'article 3§1 de la convention de New-York, alors que les principes d'indisponibilité du corps humain et d'indisponibilité de l'état des personnes ainsi que le caractère d'ordre public de l'article 16-7 du code civil imposent, en l'état de la loi française, d'exclure tout effet à une convention de gestation pour autrui, dite de mère porteuse ; qu'au vu de ces considérations, il convient de débouter les époux X... et Madame A..., ès-qualités, de leurs demandes principales visant à voir ordonner la transcription du certificat de notoriété établissant la possession d'état d'enfant de Y... à l'égard de Monsieur et Madame X... ; qu'en ce qui concerne la demande subsidiaire de Monsieur X... visant à voir constater que le lien de filiation existant entre lui et Y... est établi par la possession d'état, il convient de relever, comme retenu ci-avant, que la possession d'état d'enfant de Y... à l'égard d Monsieur X... résulte d'une convention de gestation pour autrui, atteinte d'une nullité absolue, et qu'elle ne peut donc produire aucun effet ; que dans ces conditions, la possession d'état de Monsieur X... est viciée et sa demande doit être également rejetée pour les mêmes motifs que ceux ci avant exposés ;
ALORS QUE, D'UNE PART, la possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui indiquent le rapport de filiation et de parenté entre un individu et la famille à laquelle il est dit appartenir, sans aucun lien avec un contrat ; qu'en relevant, pour débouter Monsieur et Madame X... ainsi que Madame A... de leur demande de transcription de l'acte de notoriété dressé le 3 décembre 2003 établissant la possession d'état de l'enfant Y... sur le registre de l'état civil français, que cette possession d'état est viciée comme procédant d'une convention de gestation pour autrui illicite, la Cour d'appel a violé les articles 311-1 et 320 du code civil dans leur rédaction alors applicable ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, la possession d'état résulte d'un comportement qui doit être continu et non équivoque ; qu'en relevant, pour débouter Monsieur et Madame X... ainsi que Madame A... de leur demande de transcription de l'acte de notoriété dressé le 3 décembre 2003 établissant la possession d'état de l'enfant Y... sur le registre de l'état civil français, que cette possession d'état est viciée comme résultant d'une convention de gestation pour autrui atteinte d'une nullité d'ordre public, la Cour d'appel, qui n'a pas caractérisé en quoi la possession d'état de l'enfant Y... aurait été discontinue ou équivoque, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 311-1, 311-2 et 320 du code civil dans leur rédaction alors applicable ;
ALORS QUE, DE TROISIEME PART, l'enfant né de la gestation pour autrui peut voir sa filiation reconnue par la possession d'état ; qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a violé, ensemble, les articles 16-7 et 16-9 du code civil par fausse application et 311-1, 311-2 et 320 du code civil, dans leur rédaction alors applicable, ainsi que les articles 3-1 de la Convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
ALORS, ENFIN, QUE, dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; que la Cour d'appel a expressément relevé que Madame B..., la femme gestatrice, a renoncé à tous ses droits parentaux vis à vis de Y... ,laquelle a été remise dès sa naissance à Monsieur et Madame X... qui l'ont traitée comme leur enfant et ont pourvu à son éducation et à son entretien ; qu'en refusant de reconnaître aux époux X... la possession d'état de l'enfant Y... , la Cour d'appel, qui a méconnu l'intérêt supérieur de cette enfant de voir reconnaître en droit français le lien établi entre elle et les personnes l'ayant élevée, l'une étant au demeurant son père biologique, a violé les articles 3-1 de la Convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, ensemble, l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté Monsieur X... de sa demande subsidiaire tendant à voir constater le lien de filiation existant entre lui et Y... en raison de la possession d'état ;
AUX MOTIFS ADOPTES QUE les articles 16-7 et 16-9 du code civil prévoient qu'est nulle de nullité d'ordre public toute convention portant sur la procréation ou la gestation pour le compte d'autrui, qu'en se rendant aux Etats-Unis afin d'y conclure une convention de mère porteuse, les époux X... n'ignoraient pas qu'ils enfreignaient cette règle d'ordre public ; que la convention ayant permis la naissance de l'enfant Y... est donc incontestablement frauduleuse ; que dès lors, et en application du principe selon lequel la fraude corrompt tout, la possession d'état sur laquelle les demandeurs se fondent pour voir établir un lien de filiation légitime à leur profit et l'acte de notoriété qu'ils ont ainsi obtenu sont eux-mêmes viciés et ne peuvent donc permettre l'établissement d'un tel lien ; qu'en effet, la possession d'état doit être notamment, selon l'article 311-2 du code civil, exempte de vice ; que tel ne saurait être le cas lorsqu'elle découle d'une convention frauduleuse ; que dès lors, l'acte de notoriété ne peut être invoqué à l'appui de la demande de retranscription puisqu'il constate une possession d'état viciée ; qu'en rappelant ces principes, le Ministère Public n'a fait qu'appliquer le code civil sans que la référence à la circulaire parue en cours de litige et qui ne reprend que ces principes puisse lui être reprochée ; que par ailleurs, la Convention de New York sur les droits de l'enfant garantit notamment à celui-ci l'accès à ses origines ; qu'or, l'application de la convention frauduleuse aurait pour effet de consacrer un mensonge : en effet, l'acte de naissance qui serait établi sur le fondement de cette convention aboutirait à nier totalement les conditions dans lesquelles l'enfant a été conçu ; qu'en outre, et en tout état de cause, même s'il a refusé de transcrire l'acte de notoriété, le Ministère Public n'a pas commis une voie de fait et n'a pas agi en contrariété avec l'intérêt de l'enfant ; qu'il a non seulement préservé l'ordre public de direction posé aux articles 16-7 et 16-9 du code civil mais aussi garanti à l'enfant l'accès à ses origines ; que l'enfant aura toujours une filiation paternelle établie, ce qui ne peut lui faire grief ; qu'il résulte de l'ensemble de ces motifs que les demandes formées tant par les époux X... que par Mme A... ès-qualités d'administrateur ad hoc de l'enfant Y... doivent être rejetées ; qu'en conséquence, les demandeurs ne pourront se prévaloir de la possession d'état viciée pour obtenir la retranscription de l'acte de notoriété sur l'acte de naissance de l'enfant ; qu'ainsi, ledit acte de notoriété ne pourra plus être utilisé et aucune copie ne pourra en être délivrée ;
ET AUX MOTIFS PROPRES QU'en application de l'article 20-III de l'ordonnance 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation, lorsque l'instance a été introduite avant son entrée en vigueur, l'action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne ; que cette loi s'applique également en appel et cassation ; qu'il convient en conséquence de faire application au présent litige introduit par actes des 20 juillet et 10 septembre 2004 des règles applicables antérieurement à l'ordonnance du 4 juillet 2005 ; qu'en application de l'article 320 ancien du code civil, la filiation légitime peut se prouver par possession d'état ; qu'en application de l'article 311-3 ancien du code civil, les parents peuvent demander au juge des tutelles que leur soit délivré un acte de notoriété faisant foi de la possession d'état jusqu'à preuve contraire ; qu'en l'espèce, Monsieur et Madame X... se sont vu délivrer le 3 décembre 2003 un certificat de notoriété constatant la possession d'état d'enfant légitime de Y... à leur égard et il appartient donc au Ministère Public qui conteste la validité de cette possession d'état d'apporter la preuve contraire ; qu'il n'est pas contesté que Monsieur et Madame X... traitent Y... depuis sa naissance comme leur enfant et pourvoient à son éducation et son entretien ; que cependant la possession d'état doit, pour pouvoir constituer une présomption légale permettant d'établir la filiation, être légalement exempte de vice ; qu'en l'espèce, la possession d'état de Y... à l'égard de Monsieur et Madame X... résulte de la convention de gestation pour autrui conclue entre Monsieur et Madame X... et Madame B... en vertu de laquelle Madame B... leur a remis Y..., dont elle venait d'accoucher, après insémination artificielle, l'embryon étant conçu avec un gamète de Monsieur X... et un ovocyte provenant d'une donneuse anonyme ; que cette possession d'état repose ainsi sur un contrat portant sur la gestation, contrat atteint, en application des articles 16-7 et 16-9 du code civil, d'une nullité absolue qui s'impose aux parties comme au tiers ; que dans ces conditions, une telle possession d'état est viciée et ne peut avoir d'effet en ce qui concerne la filiation quel que soit le demandeur ; qu'il ne peut être valablement soutenu que cette absence d'effet porte atteinte à l'article 1er de la Déclaration des droits de l'hommes et du citoyen à l'intérêt supérieur de l'enfant, tel que protégé par l'article 3§1 de la convention de New-York, alors que les principes d'indisponibilité du corps humain et d'indisponibilité de l'état des personnes ainsi que le caractère d'ordre public de l'article 16-7 du code civil imposent, en l'état de la loi française, d'exclure tout effet à une convention de gestation pour autrui, dite de mère porteuse ; qu'au vu de ces considérations, il convient de débouter les époux X... et Madame A..., ès-qualités, de leurs demandes principales visant à voir ordonner la transcription du certificat de notoriété établissant la possession d'état d'enfant de Y... à l'égard de Monsieur et Madame X... ; qu'en ce qui concerne la demande subsidiaire de Monsieur X... visant à voir constater que le lien de filiation existant entre lui et Y... est établi par la possession d'état, il convient de relever, comme retenu ci-avant, que la possession d'état d'enfant de Y... à l'égard d Monsieur X... résulte d'une convention de gestation pour autrui, atteinte d'une nullité absolue, et qu'elle ne peut donc produire aucun effet ; que dans ces conditions, la possession d'état de Monsieur X... est viciée et sa demande doit être également rejetée pour les mêmes motifs que ceux ci avant exposés ;
ALORS QUE, D'UNE PART, la possession d'état s'établit par une réunion suffisante de faits qui indiquent le rapport de filiation et de parenté entre un individu et la famille à laquelle il est dit appartenir, sans aucun lien avec un contrat ; qu'en relevant, pour débouter Monsieur X... de sa demande de reconnaissance de la possession d'état de l'enfant Y... , que cette possession d'état est viciée comme procédant d'une convention de gestation pour autrui illicite, la Cour d'appel a violé les articles 311-1 et 320 du code civil dans leur rédaction alors applicable ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, la possession d'état résulte d'un comportement qui doit être continu et non équivoque ; qu'en relevant, pour débouter Monsieur X... de sa demande de reconnaissance de la possession d'état de l'enfant Y... , que cette possession d'état est viciée comme résultant d'une convention de gestation pour autrui atteinte d'une nullité d'ordre public, la Cour d'appel, qui n'a pas caractérisé en quoi la possession d'état de l'enfant Y... aurait été discontinue ou équivoque, a privé sa décision de toute base légale au regard des articles 311-1, 311-2 et 320 du code civil dans leur rédaction alors applicable ;
ALORS QUE, DE TROISIEME PART, l'enfant né de la gestation pour autrui peut voir sa filiation reconnue par la possession d'état ; qu'en jugeant le contraire, la Cour d'appel a violé, ensemble, les articles 16-7 et 16-9 du code civil par fausse application et 311-1, 311-2 et 320 du code civil, dans leur rédaction alors applicable, ainsi que l'article 3-1 de la Convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen ;
ALORS, ENFIN, QUE, dans toutes les décisions qui concernent les enfants, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ; que la Cour d'appel a expressément relevé que Madame B..., la femme gestatrice, a renoncé à tous ses droits parentaux vis à vis de Y.... , laquelle a été remise dès sa naissance à Monsieur et Madame X... qui l'ont traitée comme leur enfant et ont pourvu à son éducation et à son entretien ; qu'en refusant de reconnaître à Monsieur X... la possession d'état de l'enfant Y.... , la Cour d'appel, qui a méconnu l'intérêt supérieur de cette enfant de voir reconnaître en droit français le lien établi entre elle et la personne l'ayant élevée, au demeurant son père biologique, a violé l'article 3-1 de la Convention de New-York du 26 janvier 1990 relative aux droits de l'enfant, ensemble, l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 et l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen.
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Gestation pour autrui (GPA)
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.