par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. soc., 30 mars 2011, 09-70306
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Cour de cassation, chambre sociale
30 mars 2011, 09-70.306
Cette décision est visée dans la définition :
Reclassement
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que M. X... a été engagé par la société Guy Demarle par contrat à durée déterminée du 11 juin 2001 conclu pour une durée de deux mois, en qualité de responsable de marché Etats-Unis au sein du département grand public, avec pour mission de préparer l'implantation, dans ce pays, d'une filiale grand public ; que ladite filiale ayant été créée sous la forme d'une société de droit américain Demarle at home, M. X... a été engagé par celle-ci selon contrat de travail du 11 août 2001 rompu par la filiale le 16 février 2006 ; que le salarié ayant en vain sollicité son reclassement auprès de la société Guy Demarle, il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal :
Attendu que la société Guy Demarle fait grief à l'arrêt de la condamner à payer diverses sommes à titre d'indemnités relatives à la rupture du contrat de travail qui la liait avec le salarié compte tenu de son refus de le reclasser, alors, selon le moyen :
1°/ que l'obligation de rapatriement et de réemploi prévue par l'article L. 1231-5 du code du travail ne s'impose à la société mère que dans la mesure où elle a mis le salarié à la disposition d'une filiale étrangère ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que le contrat de travail liant M. X... à la société Guy Demarle avait pris fin par la survenance de son terme lorsque M. X... a conclu un nouveau contrat de travail avec la filiale américaine Demarle at home ; qu'en faisant application des dispositions de l'article L. 1231-5 du code du travail quand la société mère n'avait pas mis le salarié à disposition de sa filiale, toute relation de travail ayant alors cessé, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 1231-5 du code du travail ;
2°/ qu'en affirmant que la société Guy Demarle ne contestait pas avoir mis M. X... à la disposition de la société Demarle at home, la cour d'appel a dénaturé les écritures d'appel de la société Guy Demarle en violation de l'article 1134 du code civil ;
3°/ que le salarié peut renoncer au bénéfice des dispositions de l'article L. 1231-5 du code du travail dont il n'est pas tenu de solliciter l'application ; qu'en se bornant à affirmer que le salarié n'avait à aucun moment entendu renoncer au bénéfice des dispositions de l'article précité, sans rechercher d'une part si la conclusion d'un contrat à durée déterminée avec la société mère n'excluait précisément pas toute volonté de réemploi par cette dernière, d'autre part si le salarié n'avait pas expressément affirmé son refus de revenir en France, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1134 du code civil et L. 1231-5 du code du travail ;
4°/ que le salarié ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 1231-5 du code du travail lorsque le droit français a cessé d'être applicable aux relations contractuelles des parties à la date à laquelle le nouvel engagement a pris effet ; que la société Guy Demarle faisait précisément valoir que le contrat de travail de M. X... était exclusivement régi par le droit américain en sorte qu'il ne pouvait se prévaloir des dispositions de l'article L. 1231-5 du code du travail ; qu'en affirmant qu'il importe peu que le contrat soit soumis au droit étranger, la cour d'appel a encore violé l'article L. 1231-5 du code du travail ;
Mais attendu, d'abord, que, selon l'article L. 1231-5 du code du travail, lorsqu'un salarié, mis par la société au service de laquelle il était engagé à la disposition d'une filiale étrangère à laquelle il est lié par un contrat de travail, est licencié par cette filiale, la société mère doit assurer son rapatriement et lui procurer un nouvel emploi compatible avec l'importance de ses précédentes fonctions au sein de la société mère ; que ce texte ne subordonne pas son application au maintien d'un contrat de travail entre le salarié et la maison-mère ;
Attendu, ensuite, que l'obligation de reclassement à la charge de la société mère ne concernant que les relations entre celle-ci et le salarié qu'elle met à disposition, peu importe que le contrat conclu entre ce dernier et la filiale ait été soumis au droit étranger ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que M. X... avait été mis à disposition de sa filiale américaine par la société Guy Demarle, a, par ces seuls motifs, exactement décidé qu'en l'absence de son reclassement par la société mère, la rupture du contrat de travail s'analysait, conformément aux dispositions de l'article L. 1231-5 du code du travail, en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi incident formé par le salarié :
Vu les articles 1147 du code civil et L. 1121-1 du code du travail ;
Attendu que pour débouter le salarié de sa demande d'indemnisation en réparation du préjudice résultant de la nullité de la clause de non-concurrence faute de contrepartie financière, la cour d'appel retient que celui-ci n'a jamais eu à respecter ladite clause, qui n'a produit aucun effet pendant sa période d'emploi au service de la société Demarle at home, et qui a expiré avant la rupture du contrat le liant à celle-ci ;
Qu'en statuant ainsi alors que la stipulation dans le contrat de travail d'une clause de non-concurrence nulle cause nécessairement un préjudice au salarié, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE le pourvoi principal ;
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. X... de sa demande de dommages-intérêts au titre de la clause de non-concurrence, l'arrêt rendu le 7 août 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Douai ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai, autrement composée ;
Condamne la société Guy Demarle aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Guy Demarle à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille onze.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Masse-Dessen et Thouvenin, avocat aux Conseils, pour la société Guy Demarle, demanderesse au pourvoi principal
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR condamné la société GUY DEMARLE à verser à Monsieur Christophe X... les sommes de 59.713,38 à titre d'indemnité compensatrice légale de préavis et 5.971,34 au titre de l'indemnité afférente de congés payés, 9.288,72 au titre de l'indemnité légale de licenciement, 119.426,76 à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et d'AVOIR ordonné le remboursement des indemnités de chômage payées à Monsieur Christophe X... dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage et d'AVOIR débouté la société DEMARLE de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive et injustifiée.
AUX MOTIFS QUE selon l'article L. 122-14-8 devenu l'article L.1235-1 du Code du travail lorsqu'un salarié, mis par la société au service de laquelle il était engagé à la disposition d'une filiale étrangère à laquelle il est lié par un contrat de travail est licencié par cette filiale, la société mère doit assurer son rapatriement et lui procurer un nouvel emploi compatible avec l'importance de ses précédentes fonctions au sein de la société mère ; que l'application de cet article suppose en premier lieu l'engagement du salarié par une société mère installée en France puis sa mise à disposition par cette dernière au profit d'une de ses filiales étrangères et en second lieu l'existence d'un contrat de travail entre le salarié et la filiale et la rupture de ce contrat par cette dernière, peu important ni que le contrat liant le salarié à la société mère ait été à durée indéterminée ou déterminée ni que ce contrat ait été ou non rompu, ni que le contrat liant le salarié à la filiale soit soumis au droit étranger ; qu'en l'espèce Monsieur Christophe X... a été engagé par la société ETS GUY DEMARLE dont le siège est à Wavrin ; qu'il était prévu par la lettre d'intention du 11 juin 2001 qu'en cas de succès de la mission confiée à Monsieur Christophe X... les parties poursuivraient leur collaboration au sein d'une filiale à créer sur le territoire américain ; que cette filiale a effectivement été créée sous la dénomination DEMARLE AT HOME et a engagé Monsieur Christophe X... à la date exacte d'expiration de son contrat à durée déterminée ; qu'il en résulte et qu'il n'est d'ailleurs pas contesté que Monsieur Christophe X... a été mis par la société ETS DEMARLE à la disposition de sa filiale ; que celle-ci a par courrier du 23 février 2006 procédé à la rupture du contrat de Monsieur Christophe X... ; que contrairement à ce que soutient la société ETS DEMARLE Monsieur Christophe X... n'a à aucun moment entendu renoncer au bénéfice des dispositions de l'article L. 122-14-8 précité devenu l'article L.1231-5 du Code du travail., son courrier électronique du 3 mars 2006 faisant seulement état des conséquences sur sa situation aux Etats Unis du licenciement par DEMARLE AT HOME ; qu'en conséquence de tout ce qui précède, ce dernier était fondé, comme il l'a fait par courrier de son conseil du 3 avril 2006, à solliciter la mise en oeuvre par la société ETS DEMARLE des dispositions précitées ; que l'inertie de la société ETS DEMARLE à procurer un nouvel emploi au salarié ou à le licencier après la rupture de son contrat par sa filiale produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; qu'il résulte du texte précité que le salarié pouvant en revendiquer l'application doit percevoir des indemnités de rupture calculées en application des textes applicables à l'activité de la société mère sur la base de ses salaires d'expatriation et en tenant compte de son ancienneté au service des deux employeurs ; ( ) ; qu'eu égard à sa qualité de cadre, Monsieur Christophe X... est fondé à percevoir l'indemnité compensatrice légale de préavis de trois mois de salaire soit, compte tenu de ses derniers salaires au service de la société DEMARLE AT HOME, la somme de 59 713,38 à laquelle il convient d'ajouter celle de 5971,34 au titre de l'indemnité afférente de congés payés ; qu'il est également fondé à percevoir l'indemnité légale de licenciement qui s'établit, compte tenu d'une ancienneté de 4 ans et 8 mois à la somme de 9288,72 ; que compte tenu de l'absence de tout justificatif de la situation de Monsieur Christophe X... sur le plan professionnel postérieurement à son licenciement par la société DEMARLE AT HOME son indemnisation doit être évaluée au montant de ses 6 derniers mois de salaire soit la somme de 119.426,76 ; qu'il y donc lieu de réformer le jugement en ses dispositions déboutant Monsieur Christophe X... de ses demandes au titre des indemnités précitées et de fixer ces dernières aux montants qui viennent d'être indiqués.
ET AUX MOTIFS QU'eu égard à l'ancienneté du salarié et à l'effectif de l'entreprise à la date de la rupture il convient d'ordonner en vertu de l'article L. 122-14-4 alinéa 2 du Code du travail devenu l'article L. 1235-4 du nouveau Code du travail, le remboursement des indemnités de chômage payées au salarié licencié du 23 février 2006 au jour du présent arrêt dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage.
ALORS QUE l'obligation de rapatriement et de réemploi prévue par l'article L.1231-5 du Code du travail ne s'impose à la société mère que dans la mesure où elle a mis le salarié à la disposition d'une filiale étrangère ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que le contrat de travail liant Monsieur Christophe X... à la société GUY DEMARLE avait pris fin par la survenance de son terme lorsque Monsieur Christophe X... a conclu un nouveau contrat de travail avec la filiale américaine DEMARLE AT HOME ; qu'en faisant application des dispositions de l'article L.1231-5 du Code du travail quand la société mère n'avait pas mis le salarié à disposition de sa filiale, toute relation de travail ayant alors cessé, la Cour d'appel a violé par fausse application l'article L.1231-5 du Code du travail ET ALORS QU'en affirmant QUE la société GUY DEMARLE ne contestait pas avoir mis Monsieur X... à la disposition de la société DEMARLE AT HOME, la Cour d'appel a dénaturé les écritures d'appel de la société GUY DEMARLE en violation de l'article 1134 du Code civil.
ET ALORS en toute hypothèse QUE le salarié peut renoncer au bénéfice des dispositions de l'article L.1231-5 du Code du travail dont il n'est pas tenu de solliciter l'application ; qu'en se bornant à affirmer que le salarié n'avait à aucun moment entendu renoncer au bénéfice des dispositions de l'article précité, sans rechercher d'une part si la conclusion d'un contrat à durée déterminée avec la société mère n'excluait précisément pas toute volonté de réemploi par cette dernière, d'autre part si le salarié n'avait pas expressément affirmé son refus de revenir en FRANCE, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 1134 du Code civil et L.1231-5 du Code du travail.
ET ALORS QUE le salarié ne peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 1231-5 du Code du travail lorsque le droit français a cessé d'être applicable aux relations contractuelles des parties à la date à laquelle le nouvel engagement a pris effet ; que la société GUY DEMARLE faisait précisément valoir que le contrat de travail de Monsieur Christophe X... était exclusivement régi par le droit américain en sorte qu'il ne pouvait se prévaloir des dispositions de l'article L. 1231-5 du Code du travail ; qu'en affirmant qu'il importe peu que le contrat soit soumis au droit étranger, la Cour d'appel a encore violé l'article L.1231-5 du Code du travail.
Moyen produit par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils, pour M. X..., demandeur au pourvoi incident
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir débouté monsieur X... de sa demande de dommages et intérêts au titre de sa clause de non-concurrence dépourvue de contrepartie pécuniaire ;
AUX MOTIFS QU' aux termes du contrat à durée déterminée du 11 juin 2001 liant les parties monsieur X... était tenu d'une obligation de non-concurrence, qualifiée par erreur de clause de loyauté, au terme de laquelle «Compte tenu de la formation et des connaissances acquises au service de l'entreprise et de la technicité mise en oeuvre chez les Ets Guy Demarle, monsieur X... s'interdit en cas de cessation du présent contrat qu'elle qu'en soit la cause de s'intéresser directement ou indirectement à toute fabrication ou tout commerce pouvant concurrencer les produits de la société Ets Guy Demarle. Cette interdiction est limitée à une durée de trois ans commençant le jour de la cessation effective du contrat et couvre outre le territoire français, les pays sur lesquels les établissements Guy Demarle exercent son activité commerciale. II est enfin convenu qu'en cas d'évolution de l'organisation de l'activité, cette clause de loyauté s'étendra aux filiales et sous-filiales des Ets Guy Demarle. Toute violation de la présente clause rendra automatiquement monsieur X... redevable d'une pénalité fixée dès à présent et forfaitairement au montant d'un salaire annuel brut, basé sur la dernière rémunération annuelle perçue après mise en demeure d'avoir à cesser l'activité concurrentielle. Le paiement de cette indemnité ne porte pas atteinte aux droits, que la société Etablissements Guy Demarle se réserve expressément, de poursuivre monsieur X... en remboursement du préjudice pécuniaire et moral effectivement subi» ; qu'iI résulte du principe fondamental selon lequel chacun est libre d'exercer une activité professionnelle et de l'article L 129-2 devenu L 1121-1 du Code du travail qu'est affectée de nullité toute clause de non-concurrence ne prévoyant pas l'existence d'une contrepartie financière ; que la clause litigieuse ne comportant aucune contrepartie financière, il convient de réformer le jugement déféré en ses dispositions déboutant monsieur X... de sa demande en annulation de cette clause et d'accueillir cette demande ; que s'il résulte des principe et texte précités que le salarié ayant respecté une clause de non-concurrence ne comportant pas de contrepartie financière a droit au paiement de dommages et intérêts dont le montant est évalué selon le préjudice subi, il apparaît qu'en l'espèce monsieur X... n'a jamais eu à respecter la clause litigieuse, cette dernière n'ayant produit aucun effet pendant sa période d'emploi au service de la société Demarle At Home et ayant expiré bien avant la rupture du contrat le liant à cette dernière ;
ALORS QUE la clause de non-concurrence liant monsieur X... à la société Etablissements Guy Demarle prévoyait qu'elle prendrait effet, pour une durée de trois ans, le jour de la cessation définitive du contrat ; qu'en application de l'article L 1231-5 du Code du travail, la cour d'appel a condamné la société Etablissements Guy Demarle, qui avait refusé de réintégrer le salarié après son licenciement par la filiale américaine, au paiement de diverses indemnités dont une indemnité compensatrice de préavis, laquelle n'était due que parce que le contrat avec la société-mère avait repris effet après la cessation des fonctions pour la filiale, au moins pour la durée du délai-congé ; que dès lors, en énonçant que monsieur X... n'avait jamais eu à respecter la clause de non-concurrence parce que celle-ci avait expiré bien avant la rupture de son contrat avec la filiale, la cour d'appel a violé le texte précité, ensemble, les articles L 1121-1, L 1234-1, 1234-4 et L 1234-5 du Code du travail et 1147 du Code civil.
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Reclassement
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.