par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. civ. 1, 20 janvier 2010, 08-19627
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Cour de cassation, 1ère chambre civile
20 janvier 2010, 08-19.627

Cette décision est visée dans la définition :
Transaction




LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, pris en sa première branche :

Vu l'article 211-15 du code des assurances, ensemble l'article 1134 du code civil ;

Attendu que le tuteur ne peut transiger au nom de la personne protégée qu'après avoir fait approuver par le conseil de famille ou le juge des tutelles les clauses de la transaction ;


Attendu que, par arrêt du 15 janvier 2004, la cour d'appel de Limoges a confirmé un jugement du 3 juillet 2003 qui a, notamment, déclaré M. X... responsable de l'accident causé, en 1997, par le véhicule conduit par ce dernier, à M. Mario Christophe Y... Z..., né le 8 septembre 1987, l'a condamné, solidairement avec son assureur, à payer une certaine somme au titre de la tierce personne à M. et Mme Antonio Y... Z..., en leur qualité d'administrateurs légaux de leur fils Mario Christophe, et a réservé le préjudice soumis à recours au titre de la tierce personne à compter du 8 septembre 2005, en l'absence d'éléments d'appréciation quant au devenir de Mario Christophe au-delà de sa majorité ; que, les 19 et 22 décembre 2005, Mme Y... Z..., agissant en qualité de tutrice de son fils majeur, a assigné M. X..., la CRAMA, la CPAM de la Corrèze et la PRO BTP Santé afin d'obtenir la liquidation du préjudice lié à la tierce personne à compter du 8 septembre 2005 ; qu'un jugement du 9 novembre 2006 a notamment dit que M. X... et la CRAMA seront tenus solidairement d'une indemnité au titre de la tierce personne à compter du 8 septembre 2005 et a sursis à statuer sur la fixation de la somme ; qu'un jugement du 14 février 2007 a constaté l'accord des parties sur les sommes relatives au capital et à la rente trimestrielle et a fixé l'indemnisation du préjudice lié à la tierce personne de M. Mario Christophe Y... Z... ;

Attendu que pour confirmer le jugement constatant l'accord des parties sur le montant des sommes relatives au capital et à la rente trimestrielle, l'arrêt attaqué retient qu'il résulte de l'assignation que les parties se sont accordées sur le montant de l'annuité, ainsi que constaté dans le jugement du 9 novembre 2006, que, contrairement aux allégations de Mme Y... Z..., il ne s'agit pas d'une transaction, la victime n'ayant pas renoncé à un droit, ni fait aucune concession, mais d'une demande, acceptée par l'assureur, du versement de cette somme, qui correspond à l'indemnisation retenue par la cour d'appel de Limoges dans son arrêt du 15 janvier 2004 ;

Qu'en statuant ainsi, alors que la constatation, dans le dispositif, de l'accord des parties, sans aucun motif dans le corps du jugement, ne peut s'analyser qu'en un contrat judiciaire, et que la loi du 5 juillet 1985 instituant un régime d'indemnisation des victimes d'accident de la circulation, d'ordre public, dérogatoire au droit commun, qualifie de transaction la convention qui se forme entre la victime et l'assureur, de sorte que cet accord devait être soumis à l'autorisation du conseil de famille ou du juge des tutelles, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et sur la deuxième branche du moyen :

Vu l'article 1351 du code civil ;

Attendu que pour confirmer le jugement constatant l'accord des parties sur le montant des sommes relatives au capital et à la rente trimestrielle, l'arrêt attaqué retient que l'arrêt du 15 janvier 2004 a acquis l'autorité de la chose jugée, ce qui ne permet pas de remettre en cause le principe d'une tierce personne active à raison de six heures par jour ;


Qu'en statuant ainsi alors que la cour d'appel, dans sa décision du 15 janvier 2004, a sursis à statuer sur le préjudice soumis à recours de M. Mario Christophe Y... Z... au titre de la tierce personne à compter du 8 septembre 2005, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la troisième branche du moyen :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 juin 2008, entre les parties, par la cour d'appel de Limoges ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Limoges, autrement composée ;


Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne M. X... et la CRAMA d'Oc à payer à M. Mario Christophe Y... Z... et à Mme Y... Z..., en sa qualité de tutrice, la somme de 2 500 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt janvier deux mille dix.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt


Moyen produit par Me Carbonnier, avocat aux conseils pour M. Mario Christophe Z... et Mme Y... Z...

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR constaté l'accord des parties sur une indemnisation de tierce personne calculée sur 6 heures par jour et non 24 heures sur 24, et limité en conséquence la condamnation solidaire de Monsieur Laurent X... et de la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles d'Oc GROUPAMA à verser à Madame Sylvie Z..., en sa qualité d'administratrice légale de son fils Mario Christophe Z..., à la somme de 1. 217. 909, 90 € en capital,


AUX MOTIFS QU'" il résulte de l'assignation que les parties se sont accordées sur le montant de l'annuité de 38. 417, 16 euros, ainsi que constaté dans le jugement du 9 novembre 2006. Contrairement aux allégations de l'appelante, il ne s'agit pas d'une transaction, la victime n'ayant pas renoncé à un droit, ni fait aucune concession, mais d'une demande, acceptée par l'assureur, du versement de cette somme, qui correspond à l'indemnisation retenue par la Cour d'appel de Limoges dans son arrêt du 15 janvier 2004, en fonction des préconisations du professeur C..., décision qui a acquis l'autorité de la chose jugée, ce qui ne permet pas de remettre en cause le principe d'une tierce personne active à raison de six heures par jour. Il n'est pas contesté que le choix de la table de capitalisation et des modalités de réparation du dommage corporel relève du pouvoir souverain d'appréciation du juge. Il ne saurait être question en l'espèce d'appliquer le barème issu du décret de 1986, totalement obsolète, ni même le barème TD 88 / 90 car la table de mortalité publiée à la Gazette du Palais en 2004 apparaît plus actualisée tant au niveau des taux de mortalité que du taux d'inflation et sera appliquée, le premier jugement déféré étant réformé sur ce point, ainsi que sur les modalités de réparation du dommage corporel de Mario Z..., la Cour estimant préférable au vu des éléments du dossier, notamment la mesure de protection dont bénéficie la victime et le contrôle dévolu au juge des tutelles sur l'utilisation de ces fonds, d'allouer l'indemnisation sous forme de capital. Le jugement du 9 novembre 2006 avait sursis à statuer sur le montant de l'indemnisation due à Mario Z..., qui a été fixée par la seconde décision déférée, en date du 14 février 2007. Il y a lieu à réformation de ce montant, en application de la table de mortalité 2004. Mario Christophe Y... Z... est né le 8 septembre 1987, l'indemnisation de la tierce personne est due à compter du 8 septembre 2005, date du retour au domicilie familial, ce qui n'est pas contesté. La victime a été consolidée au 4 mai 2001, à l'âge de 13 ans. Le coefficient pour les hommes de 13 ans est de 27, 220. En fonction des 6 heures quotidiennes de tierce personne à 18, 10 euros de l'heure et des 412 jours à retenir compte tenu des chevauchements et des congés, il lui est donc dû : 18, 10 euros X 6 = 108, 60 X 412 = 44. 743, 20 euros x 27, 220 = 1. 217. 909, 90 euros, que M. Laurent X... et la compagnie GROUPAMA seront condamnés solidairement à verser à Madame Sylvie Z... en sa qualité de tutrice de son fils Mario Y... Z..., le jugement déféré étant confirmé pour le surplus " (arrêt, p. 4 et 5),

ALORS, D'UNE PART, QUE le tuteur ne peut renoncer à un droit ou transiger, sans y a voir été préalablement autorisé par le conseil de famille ou le juge des tutelles ; que, spécialement, l'assureur doit soumettre au juge des tutelles ou au conseil de famille, compétents suivant les cas pour l'autoriser, tout projet de transaction concernant un mineur ou un majeur en tutelle ;


Qu'en l'espèce, il est constant que, le 22 février 1997, Mario Y... Z..., alors âgé de 9 ans, a été renversé par le véhicule conduit par Monsieur Laurent X... et qu'à sa majorité, il a dû faire l'objet d'un placement sous tutelle ; que l'expert désigné par le tribunal, le docteur C..., pour déterminer les préjudices, a considéré que Mario Y... Z... avait besoin de 6 heures par jour de tierce personne pour les actes élémentaires par jour et le reste de la journée en tierce personne passive de surveillance ;

Que, dans les conclusions prises au nom de Madame Sylvie Y... Z..., ès qualités de tutrice de Mario Y... Z..., seule une demande de 6 heures par jour de tierce personne a été formée, renonçant ainsi de facto au droit pour celuici de demander une tierce personne passive de surveillance pour le reste de la journée ; que l'assureur a accepté cette proposition, scellant ainsi une transaction, sans pour autant que le juge des tutelles n'ait été appelé à donner son accord ;

Que, pour constater l'accord des parties sur une indemnisation de tierce personne calculée sur 6 heures par jour et non 24 heures sur 24, la Cour d'appel a considéré qu'« il ne s'agit pas d'une transaction, la victime n'ayant pas renoncé à un droit, ni fait aucune concession, mais d'une demande, acceptée par l'assureur, du versement de cette somme » ;

Qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé les articles 495, 467, 389-5, 2044 et suivants du Code civil, ensemble l'article L. 211-
15 du Code des assurances ;

ALORS, D'AUTRE PART, QUE l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement ;


Que, par arrêt en date du 15 janvier 2004, la Cour d'appel de Limoges a confirmé le jugement rendu le 3 juillet 2003 par lequel le Tribunal de grande instance de Tulle avait sursis à statuer sur « le préjudice soumis à recours de Mario Christophe Y... Z... au titre de la tierce personne à compter du 8 septembre 2005 », au motif que « il y a doute sur le sort de la jeune victime à compter du 8 septembre 2005, ce pourquoi il y a lieu de réserver la liquidation de ses droits au-delà de ladite date de septembre 2005, quant à la demande de tierce personne » ;

Que, pour constater l'accord des parties sur une indemnisation de tierce personne calculée sur 6 heures par jour et non 24 heures sur 24, la Cour d'appel a considéré que « cette somme correspond à l'indemnisation retenue par la Cour d'appel de Limoges dans son arrêt du 15 janvier 2004, en fonction des préconisations du professeur C..., décision qui a acquis l'autorité de la chose jugée, ce qui ne permet pas de remettre en cause le principe d'une tierce personne active à raison de six heures par jour » ;

Qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil ;

ALORS, ENFIN, QUE le juge ne peut dénaturer les termes du litige ;


Que, par arrêt en date du 15 janvier 2004, la Cour d'appel de Limoges a confirmé le jugement rendu le 3 juillet 2003 par lequel le Tribunal de grande instance de Tulle avait sursis à statuer sur « le préjudice soumis à recours de Mario Christophe Y... Z... au titre de la tierce personne à compter du 8 septembre 2005 », au motif que « il y a doute sur le sort de la jeune victime à compter du 8 septembre 2005, ce pourquoi il y a lieu de réserver la liquidation de ses droits au-delà de ladite date de septembre 2005, quant à la demande de tierce personne » ;

Que, pour constater l'accord des parties sur une indemnisation de tierce personne calculée sur 6 heures par jour et non 24 heures sur 24, la Cour d'appel a considéré que « cette somme correspond à l'indemnisation retenue par la Cour d'appel de Limoges dans son arrêt du 15 janvier 2004, en fonction des préconisations du professeur C..., décision qui a acquis l'autorité de la chose jugée, ce qui ne permet pas de remettre en cause le principe d'une tierce personne active à raison de six heures par jour » ;

Qu'en statuant ainsi, la Cour d'appel a dénaturé les termes de l'arrêt du 15 janvier 2004 et violé l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article 4 du Code de procédure civile.



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Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.