par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles
Cass. soc., 23 septembre 2009, 08-40434
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Cour de cassation, chambre sociale
23 septembre 2009, 08-40.434
Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Domicile
Mobilité (Contrat de travail)
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué rendu sur renvoi après cassation (Soc., 21 septembre 2005, n° 03 43.646), que M. X..., qui avait été engagé le 16 janvier 1995 par la société Gay frères Dorgay, détenait à son domicile pour l'exercice de ses fonctions une importante collection de bijoux appartenant à son employeur ; qu'il a été licencié le 1er février 2000 pour faute grave en raison de son refus d'accepter le déménagement que lui imposait son employeur ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de l'employeur :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui ne serait pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal du salarié :
Vu les articles 9 du code civil et L. 1121-1 du code du travail ;
Attendu que toute personne dispose de la liberté de choisir son domicile et que nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ;
Attendu que pour dire le licenciement fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt retient que le refus du salarié compromettait la poursuite de la relation de travail dès lors que, suite aux agressions dont il avait été victime à son domicile, son déménagement était une condition imposée à l'employeur par son assureur, lequel refusait de garantir tout sinistre survenant dans les départements du Rhône, de la Drôme, des Bouches du Rhône, du Var et des Alpes Maritimes, sauf si M. X... n'était plus domicilié dans l'un de ces départements ;
Qu'en statuant ainsi, par des motifs impropres à établir que l'atteinte au libre choix par le salarié de son domicile était justifiée par la nature du travail à accomplir et proportionnée au but recherché, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, en ses seules dispositions ayant décidé que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, l'arrêt rendu le 28 novembre 2007, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Lyon ;
Condamne la société Gay frères Dorgay aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Gay frères Dorgay ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois septembre deux mille neuf.
MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyen produit - à l'appui du pourvoi principal - par Me Copper-Royer, avocat aux Conseils pour M. X....
Le moyen fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR dit que le licenciement de M. X... reposait sur une cause réelle et sérieuse ;
AUX MOTIFS QUE "Sur le licenciement Monsieur X..., en raison de ses fonctions de cadre commercial, s'était vu confier une collection de bijoux, propriété de son employeur, qu'il était amené à conserver à son domicile. La société GAY FRERES DORGAY était assurée auprès de la Compagnie LLOYD'S de Londres, le montant de la franchise s'élevait à 20 % de chaque sinistre. Monsieur X... était victime d'une première agression survenue à son domicile en 1996, puis d'une seconde en mars 1997 qui justifiait alors son déménagement. Il était victime d'une nouvelle agression le 3 mars 1999 et il lui était alors demandé de changer à nouveau de domicile dès lors que son domicile avait été repéré et qu'une nouvelle agression était envisageable.
L'assureur de l'employeur refusait pour l'avenir de garantir tout sinistre survenant dans les départements 69, 26, 13, 83, 06 sauf si Monsieur X... n'était plus domicilié dans l'un de ces départements. L'employeur renouvelait alors sa proposition ce que le salarié refusait, il était licencié pour ce motif.
Eu égard aux fonctions exercées par Monsieur X..., au nombre d'agressions perpétrées à son domicile et en raison de la décision de l'assureur, le déménagement exigé par l'employeur était parfaitement justifié. En effet, la poursuite du contrat de travail aux conditions antérieures s'avérait impossible, Monsieur X... ne pouvait continuer son activité et détenir une importante collection de bijoux sans être couvert par une assurance efficace et, même en l'absence de clause de mobilité, son déménagement était dicté par des impératifs indépendants de la volonté de son employeur et une telle décision ne se heurtait pas aux dispositions de l'article L.120-2 du code du travail.
Contrairement à ce que soutient le salarié, son employeur ne s'est pas opposé à prendre à sa charge les frais induits par ce déménagement mais s'est opposé à assurer les frais de location ou d'achat générés par le déménagement. Le fait que son successeur ait été domicilié dans l'un des départements visés par l'assureur ne présente aucune pertinence ; c'est en raison des sinistres dont Monsieur X... a été personnellement victime que l'assureur n'a plus souhaité le garantir sans pour autant refuser de garantir tout autre représentant habitant ce même secteur.
Le refus opposé par le salarié compromettait la poursuite de la relation de travail et la mesure de licenciement prise en conséquence repose sur un motif réel et sérieux ; pour autant aucune faute grave ne peut être reprochée à Monsieur X..., sa position n'empêchait pas l'exécution du contrat pendant la durée du préavis.
Il est en droit de prétendre au paiement des sommes de :
- 14.520,00 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 1.452,00 euros au titre de l'indemnité de congés payés y afférente,
- 4.840,00 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement.
Sur les autres demandes
Monsieur X... expose qu'il a acquis un véhicule peu avant son licenciement dont l'utilité était étroitement liée à la nature de son emploi et sollicite à ce titre une somme représentant douze mensualités de son crédit.
Or, s'agissant d'un achat personnel portant sur un véhicule BMW 530 dont il a conservé la propriété, rien ne permet de soutenir qu'il était exclusivement attaché à l'exercice de ses fonctions.
Les frais de location de coffre fort ont été réglés par l'employeur, ce que reconnaît le salarié.
L'employeur qui s'est prévalu d'une faute grave en l'espèce alors que le refus de déménager ne présentait aucun caractère abusif et alors que le salarié avait été victime de plusieurs agressions en raison de son activité, a nécessairement causé un préjudice moral à ce dernier qui sera réparé par l'octroi de la somme de 4.000,00 euros à titre de dommages et intérêts.
Il convient d'ordonner la compensation entre les sommes allouées au salarié et celle dont ce dernier est redevable en raison de la nullité de la transaction.
L'équité commande de faire application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile et d'allouer à Monsieur X... la somme de 2.000,00 euros à ce titre" (arrêt attaqué, pp. 5 et 6) ;
ALORS QUE, D'UNE PART, l'employeur doit exécuter et respecter le contrat de travail ; qu'il est tenu d'une obligation générale de sécurité ; qu'il fallait ainsi que la Société GAY FRERES DORGAY prenne en charge tous les aléas liés à la commercialisation de ses bijoux et supporte les dommages dont M. X... avait été victime sans pouvoir lui imposer une obligation quelconque relative au changement de domicile dont la protection touchait à la liberté individuelle du salarié ; que le licenciement lié aux conséquences de l'activité de M. X... ne reposait sur aucune cause réelle et sérieuse et que la Cour d'appel de NIMES a violé les articles L.120-2, L.122-14-3 et suivants du Code du Travail ;
ALORS QUE, D'AUTRE PART, la Cour d'appel ne pouvait, sans se contredire, dénier tout caractère abusif au refus de déménager opposé par M. X..., lui allouer à ce titre des dommages-intérêts pour le préjudice moral subi et considérer dans le même temps son licenciement comme justifié ; qu'elle a violé les articles 1382 du Code civil, L.122-14-3 et suivants du Code du Travail et 455 du NCPC ;
ALORS QU'ENFIN il appartient à la Cour de cassation à laquelle l'arrêt de la Cour de NIMES est déféré de réparer l'erreur ou omission matérielle affectant ce dernier et de dire que son dispositif contient la mention de la condamnation à des dommages-intérêts de la Société GAY FRERES DORGAY en réparation du préjudice moral subi par M. X..., en application de l'article 462 du NCPC.
Moyen produit - à l'appui du pourvoi incident - par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils pour la société Gay frères Dorgay.
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement était fondé sur une cause réelle et sérieuse et non sur une faute grave et d'avoir, en conséquence, condamné en conséquence la société GAY FRERES DORGAY à payer à Monsieur X... différentes sommes à titre d'indemnité compensatrice de préavis, d'indemnité de congés payés y afférente et d'indemnité conventionnelle de licenciement,
AUX MOTIFS QUE « le refus opposé par le salarié compromettait la poursuite de la relation de travail et la mesure de licenciement prise en conséquence repose sur un motif réel et sérieux ; pour autant aucune faute grave ne peut être reprochée à Monsieur X..., sa position n'empêchait pas l'exécution du contrat pendant la durée du préavis »,
ALORS QUE la faute grave est constituée par la violation des obligations d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée du préavis ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a constaté que le refus du salarié de déménager pouvait engendrer des conséquences dommageables pour lui-même « compte tenu du nombre d'agressions perpétrées à son domicile » et pour l'entreprise, dont les marchandises pouvaient être dérobées « sans être garantie par une assurance efficace » ce dont il résultait nécessairement que le refus du salarié interdisait la poursuite du contrat de travail même pendant la durée limitée du préavis puisque par la volonté délibérée du salarié il était impossible de lui confier la moindre des taches pour lesquelles il avait été engagé ; qu'en décidant en décidant le contraire, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations et a violé l'article L. 1234-1 du Code du travail.
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Cette décision est visée dans les définitions suivantes :
Domicile
Mobilité (Contrat de travail)
Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 10/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.