par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. soc., 24 avril 2013, 12-11954
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Cour de cassation, chambre sociale
24 avril 2013, 12-11.954

Cette décision est visée dans la définition :
Temps de travail




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Vu leur connexité, joint les pourvois n° S 12-11. 793 et S 12-11. 954 ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué que M. X... a été mis à la disposition de la société Helio Corbeil Quebecor dont l'activité principale est l'impression de périodiques, par l'entreprise de travail temporaire Adecco, en qualité de receveur machiniste, dans le cadre de cent neuf missions successives entre le 22 avril 2003 et le 14 janvier 2005 aux motifs de remplacement de salariés absents ou d'accroissement temporaire d'activité ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale pour faire valoir auprès de l'entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée et ce depuis avril 2003 et obtenir la condamnation in solidum des sociétés Helio Corbeil Quebecor et Adecco à lui payer diverses sommes ; que la liquidation judiciaire de la société Helio Corbeil Quebecor a été prononcée le 14 novembre 2011 ;

Sur le moyen unique du pourvoi de l'entreprise utilisatrice :

Attendu que l'entreprise utilisatrice fait grief à l'arrêt d'ordonner la requalification des contrats d'intérim en un contrat à durée indéterminée à compter du 23 avril 2003, de fixer au passif de la procédure collective la créance de M. X... à diverses sommes à titre d'indemnité de requalification, de dommages-intérêts pour licenciement abusif et irrégulier, d'indemnité compensatrice de préavis, de dommages-intérêts pour perte de chance d'obtenir une participation et un intéressement, et de la condamner in solidum avec la société Adecco au paiement de ces sommes, alors, selon le moyen :

1°/ que la cour d'appel a constaté que M. X... a effectivement effectué des missions de travail temporaire au sein de la SAS Helio Corbeil Quebecor entre le 22 avril 2003 et le 4 janvier 2005, pendant près de 21 mois, dans le cadre de cent neuf contrats de mission ; que ces missions étaient pour l'essentiel motivées soit par le remplacement des salariés absents, soit par l'accroissement d'activité, ces deux motifs entrant dans le périmètre des cas pour lesquels la loi autorise le recours au travail temporaire ; qu'en ne tirant pas les conséquences légales de ces constatations d'où il résultait que chacun de ces contrats, pris individuellement, avait été conclu en vue d'assurer un remplacement ayant un caractère temporaire, soit en vue de faire face à besoin en personnel de remplacement temporaire dans la mesure où le travailleur remplacé temporairement empêché d'exécuter ces tâches lui-même était censé reprendre son activité, soit en vue de faire face à un accroissement d'activité, et donc que le recours au travail temporaire n'avait pas eu pour objet ou effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise mais seulement de pourvoir un emploi par nature temporaire, la cour d'appel a violé les articles L. 1251-1, L. 1251-6 et L. 1251-40 du code du travail, ensemble les clauses 1 et 5 de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 et mis en oeuvre par la directive 1999/ 70/ CE du 28 juin 1999 ;

2°/ qu'en statuant sans répondre à ses conclusions faisant valoir que le manquement de l'entreprise de travail temporaire à ses propres obligations impliquait qu'elle soit seule sanctionnée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu qu'il résulte des articles L. 1251-36 et L. 1251-37 du code du travail qu'il ne peut être recouru pour pourvoir un même poste au sein de l'entreprise utilisatrice, à des contrats de mission successifs que dans les hypothèses limitativement énumérées par le second de ces textes et notamment pour remplacer un salarié temporairement absent en cas de nouvelle absence du salarié remplacé, pour des emplois saisonniers ou pour des emplois pour lesquels il est d'usage constant de ne pas recourir aux contrats à durée indéterminée, pour remplacer l'une des personnes mentionnées aux 4° et 5° de l'article L. 1251-6 du code du travail ; qu'il en résulte qu'un contrat de mission conclu pour le remplacement d'un salarié absent ne peut être immédiatement suivi d'un contrat de mission conclu pour un accroissement temporaire d'activité ;

Et attendu qu'ayant relevé que les contrats de mission s'étaient succédés sans interruption du 22 avril 2003 au 14 janvier 2005, au profit du même salarié pour pourvoir le même poste de receveur machiniste afin d'assurer le remplacement de salariés absents puis pour faire face à un accroissement temporaire d'activité, ce dernier motif ne rentrant pas dans le champ d'application de l'article L. 1251-37 du code du travail, la cour d'appel, qui n'avait pas à répondre à des conclusions que ces constatations rendaient inopérantes, en a exactement déduit que le recours au travail temporaire avait eu pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le premier moyen du pourvoi de la société Adecco :

Attendu que l'entreprise de travail temporaire fait grief à l'arrêt d'ordonner la requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée à compter du 23 avril 2003, et de la condamner in solidum avec l'entreprise utilisatrice au paiement de diverses sommes à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif, d'indemnité compensatrice de préavis, de dommages et intérêts pour perte de chance d'obtenir une participation et un intéressement, alors, selon le moyen :

1°/ qu'aucune disposition du code du travail ne prévoit la requalification des contrats de mission en un contrat à durée indéterminée à l'égard de l'entreprise de travail temporaire ; qu'en la condamnant in solidum avec l'entreprise utilisatrice au paiement d'indemnités de rupture, de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de divers rappels de salaires, après avoir prononcé la requalification des contrats de mission en un contrat à durée indéterminée à l'égard de la société Helio Corbeil Quebecor, la cour d'appel a violé les articles L. 1251-39, L. 1251-40 et L. 1251-41 du code du travail ;

2°/ que si le contrat de mission doit être établi par écrit, aucune obligation n'est faite à l'entreprise de travail temporaire, en cas de litige, à peine de requalification, de les verser aux débats ; qu'il résultait des propres constatations de l'arrêt que « d'après les documents communiqués, M. X... a effectivement effectué des missions de travail temporaire au sein de la SAS Helio Corbeil Quebecor entre le 22 avril 2003 et le 4 janvier 2005, soit pendant près de 21 mois, dans le cadre de cent neuf contrats de mission » ; qu'en requalifiant la relation de travail en un contrat de travail à durée indéterminée à son égard au seul motif que celle-ci ne les communiquait pas tous aux débats, lorsqu'elle avait pourtant constaté l'existence de tous ces contrats écrits, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article L. 1251-16 du code du travail ;

3°/ qu'en statuant ainsi, sans à tout le moins préciser quels contrats de mission l'exposante ne communiquait pas aux débats, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L. 1251-16 du code du travail ;

4°/ que si les dispositions de l'article L. 1251-40 du code du travail qui sanctionnent l'inobservation par l'entreprise utilisatrice des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, n'excluent pas la possibilité pour le salarié d'agir contre l'entreprise de travail temporaire, ce n'est que lorsque les conditions énoncées par les articles L. 1251-16 et L. 1251-42 du code du travail, à défaut desquelles toute opération de prêt de main d'oeuvre est interdite, n'ont pas été respectées par cette dernière ; qu'en la condamnant dès lors in solidum avec la société Helio Corbeil Quebecor à supporter toutes les conséquences de la requalification des contrats de mission de M. X... en un contrat à durée indéterminée, après avoir relevé qu'en mettant à disposition ce salarié exclusivement auprès de la société Helio Corbeil Quebecor, elle avait ainsi concouru positivement aux manquements de l'entreprise utilisatrice à ses propres obligations et agi de concert avec elle, la cour d'appel a violé les articles L. 1251-16, L. 1251-42, ensemble l'article L. 1251-40 du code du travail ;

Mais attendu qu'ayant relevé que la société Adecco avait agi de concert avec l'entreprise utilisatrice pour contourner l'interdiction faite à cette dernière de recourir au travail temporaire pour pourvoir durablement un emploi lié à son activité normale et permanente, en ne proposant pas à M. X..., sur la période considérée, d'autres missions que celles qu'elle lui présentait au sein de la société Helio Corbeil Quebecor, réservant ainsi ce salarié à l'usage exclusif et régulier de cette société, la cour d'appel a pu en déduire qu'elle devait supporter les conséquences de la requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée ; que le moyen qui manque en fait en sa deuxième branche n'est pas fondé pour le surplus ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce moyen qui n'est pas de nature à permettre l'admission du pourvoi ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu l'article 1213 du code civil, ensemble les principes régissant l'obligation in solidum ;

Attendu que pour rejeter le recours en garantie formé par l'entreprise de travail temporaire à l'encontre de la société utilisatrice, l'arrêt retient qu'ayant régulièrement et sciemment affecté le salarié à l'usage exclusif de la société Helio Corbeil Quebecor, la société Addeco ne peut demander à être garantie de toute condamnation ;

Qu'en statuant ainsi, alors que, ayant condamné in solidum les deux sociétés, elle devait, sur le recours en garantie dont elle était saisie, déterminer la contribution de chacune des coobligées dans la réparation du dommage, la cour d'appel a violé le texte et les principes susvisés ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il rejette le recours en garantie de la société Adecco à l'encontre de la société Helio Corbeil Quebecor, l'arrêt rendu le 17 novembre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Paris, autrement composée ;

Condamne la société Helio Corbeil Quebecor aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société Helio Corbeil Quebecor à payer à M. X... la somme de 2 500 euros et rejette les autres demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre avril deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi n° S 12-11. 793 par la SCP Blanc et Rousseau, avocat aux Conseils, pour la société Helio Corbeil Quebecor, la société Angel et Hazane, M. A..., ès qualités, M. B..., ès qualités et Mme C..., ès qualités.

Il est reproché à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir ordonné la requalification des contrats d'intérim entre un contrat à durée indéterminée à compter du 23 avril 2003, fixé au passif de la procédure collective de la société Helio Corbeil Quebecor la créance de M. X... aux sommes de : 2. 500 € à titre d'indemnité de requalification, 8. 000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif et irrégulier, 4. 867 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, les congés payés y afférents, 1. 000 € à titre de dommages-intérêts pour perte de chance d'obtenir une participation et un intéressement, et condamné la société Helio Corbeil Quebecor in solidum avec la Adecco au paiement de ces sommes ;

Aux motifs que selon l'article L. 1251-1 du code du travail, le contrat de mission quel que soit son motif ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice ; que l'article L. 1251-6 ajoute qu'un utilisateur ne peut faire appel aux salariés des entreprises de travail temporaire que pour l'exécution d'une tâche précise dénommée mission, et seulement dans les cas qu'il énumère et qui correspondent à des tâches provisoires, non durables ; que l'entreprise utilisatrice qui a eu recours au travail temporaire en contravention avec les dispositions légales peut se voir imposer la requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée ; que M. X... a effectivement effectué des missions de travail temporaire au sein de la SAS Helio Corbeil Quebecor entre le 22 avril 2003 et le 4 janvier 2005, pendant près de 21 mois, dans le cadre de 109 contrats de mission ; que ces missions étaient pour l'essentiel motivées soit par le remplacement des salariés absents, soit par l'accroissement d'activité, ces deux motifs entrant dans le périmètre des cas pour lesquels la loi autorise le recours au travail temporaire ; que l'examen approfondi des bulletins de salaire portant mention du nombre d'heures travaillées payées chaque mois au sein de la SAS Hélio Corbeil Quebecor montre qu'il a travaillé 1131 heures entre le 22 avril et le 31 décembre 2003 étant observé qu'il n'est pas contredit lorsqu'il précise qu'en raison d'une organisation propre à la SAS Hélio Corbeil Quebecor le temps de travail aboutit à un total de 1. 096, 32 heures par an temps de congés payés déduits, qu'il a été amené à travailler chaque mois tout au long de la période considérée, même s'il n'a travaillé que du 7 au 10 juin 2004 et du 2 au 6 et du 9 au 13 août 2004 ; qu'il a vu ses missions durer tout au long de l'année, se renouveler chaque mois, pendant près de 21 mois ; qu'il a exercé toutes ses missions dans le même emploi de receveur machiniste ; qu'il démontre par la production des jugements rendus par le conseil de prud'hommes d'Evry des 23 novembre 2006 et 12 février 2009 que plusieurs autres salariés ont comme lui été recrutés dans le cadre de contrats intérimaires pour certains d'entre eux pendant près de cinq ans ; que dès lors que la possibilité donnée à un employeur de conclure avec le même salarié des contrats à durée déterminée successifs pour remplacer un ou plusieurs des salariés absents ou dont le contrat de travail est suspendu ne peut avoir pour objet ni effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, que l'employeur ne peut recourir de façon systématique aux contrats à durée déterminée en mentionnant des remplacements pour faire face à un besoin structurel de main-d'oeuvre, il y a lieu, compte tenu des circonstances propres à l'espèce précédemment relatées, de constater que M. X... a effectivement occupé un emploi lié durablement à l'activité normale et permanente de l'entreprise et qu'il est fondé en sa demande de requalification de ses contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ;

Alors que 1°) la cour d'appel a constaté que M. X... a effectivement effectué des missions de travail temporaire au sein de la SAS Helio Corbeil Quebecor entre le 22 avril 2003 et le 4 janvier 2005, pendant près de 21 mois, dans le cadre de 109 contrats de mission ; que ces missions étaient pour l'essentiel motivées soit par le remplacement des salariés absents, soit par l'accroissement d'activité, ces deux motifs entrant dans le périmètre des cas pour lesquels la loi autorise le recours au travail temporaire ; qu'en ne tirant pas les conséquences légales de ces constatations d'où il résultait que chacun de ces contrats, pris individuellement, avait été conclu en vue d'assurer un remplacement ayant un caractère temporaire, soit en vue de faire face à besoin en personnel de remplacement temporaire dans la mesure où le travailleur remplacé temporairement empêché d'exécuter ces tâches lui-même était censé reprendre son activité, soit en vue de faire face à un accroissement d'activité, et donc que le recours au travail temporaire n'avait pas eu pour objet ou effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise mais seulement de pourvoir un emploi par nature temporaire, la cour d'appel a violé les articles L. 1251-1, L. 1251-6 et L. 1251-40 du code du travail, ensemble les clauses 1 et 5 de l'accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999 et mis en oeuvre par la directive 1999/ 70/ CE du 28 juin 1999 ;

Alors que 2°) en statuant sans répondre aux conclusions de la société Helio Corbeil, faisant valoir que le manquement de l'entreprise de travail temporaire à ses propres obligations impliquait qu'elle soit seule sanctionnée, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile.

Moyens produits au pourvoi n° S 12-11. 954 par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Adecco.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR ordonné la requalification des contrats en intérim en contrat à durée indéterminée à compter du 23 avri1 2003, et d'AVOIR en conséquence condamné la société ADECCO in solidum avec la SAS HELIO CORBEIL QUEBECOR au paiement de 8000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif et irrégulier, 4867 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, 487 € au titre des congés payés afférents, et 1000 € à titre de dommages et intérêts pour perte de chance d'obtenir une participation et un intéressement, et d'AVOIR, avant dire droit sur la demande de rappels de salaire, d'heures supplémentaires et primes diverses, ordonné une expertise, permettant de chiffrer les rappels de salaires et les heures supplémentaires dus à M. X..., et dit que la société ADECCO devra consigner au greffe de la cour la somme de 2000 € à valoir sur la rémunération de l'expert au plus tard pour le 15 Décembre 2011

AUX MOTIFS QUE « L'article L. 1251- 1du code du travail dispose que le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise utilisatrice.
L'article L. 1251-6 du même code ajoute qu'un utilisateur ne peut faire appel aux salariés des entreprises de travail temporaire que pour l'exécution d'une tâche précise et temporaire dénommée mission, et seulement dans les cas qu'il énumère et qui correspondent à des tâches provisoires, non durables.
L'entreprise utilisatrice qui a eu recours au travail temporaire en contravention avec les dispositions légales peut se voir imposer la requalification des contrats de mission en contrat à durée indéterminée, D'après les documents communiqués il apparaît que M. X... a effectivement effectué des missions de travail temporaire au sein de la SAS Helio Corbeil Quebecor entre le 22 avril 2003 et le 4 janvier 2005, soit pendant près de 21 mois, dans le cadre de 109 contrats de mission.
Il n'est pas contesté que ces missions étaient pour l'essentiel motivées soit par le remplacement des salariés absents, soit par l'accroissement d'activité, ces deux motifs entrant dans le périmètre des cas pour lesquels la loi autorise le recours au travail temporaire.
Par ailleurs, l'examen approfondi des bulletins de salaires portant mention du nombre d'heures travaillées payées chaque mois au sein de ta SAS Helio Corbeil Quebecor, montre qu'il a travaillé 1131 heures entre le 22 avril 2003 et le 31 décembre 2003, étant observé que M. X... n'est pas contredit quand il précise qu'en raison d'une organisation propre à la SAS Helio Corbeil Quebecor le temps de travail aboutit à un total de 1096, 32 heures par an temps de congés payés déduits, qu'il a été amené à travailler chaque mois, tout au long de la période considérée, même s'il n'a travaillé que du 7 au 10 juin 2004 et du 2 au 6 et du 9 au 13 août 2004.

Ainsi, M. X... a-t-il vu ses missions durer tout au long de l'année, se renouveler chaque mois et ce, pendant près de 21 mois.
Il a exercé toutes ses missions dans le même emploi de receveur machine.
Il démontre par la production des jugements rendus par le conseil des prud'hommes d'Évry et 23 novembre 2006 et 12 février 2009, que plusieurs autres salariés ont, comme lui été recrutés dans le cadre de contrats intérimaires pour certains d'entre eux pendant près de cinq ans.
Dès lors que la possibilité donnée à un employeur de conclure avec le même salarié des contrats à durée déterminée successifs pour remplacer un ou plusieurs des salariés absents ou dont le contrat de travail est suspendu ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l'activité normale et permanente de l'entreprise, que l'employeur ne peut recourir de façon systématique aux contrats à durée déterminée en mentionnant des remplacements pour faire face à un besoin structurel de main-d'oeuvre, il y a lieu, compte tenu des circonstances propres à l'espèce, précédemment relatées, de constater que M. X... a effectivement occupé un emploi lié durablement à l'activité normale et permanente de l'entreprise, qu'il est fondé en sa demande en requalification de ses contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ; Pour que soit engagée la responsabilité des entreprises de travail temporaire, il doit être établi qu'elles ont manqué aux obligations qui leur sont propres ou qu'elles ont agi frauduleusement en concertation avec l'entreprise utilisatrice étant précisé que la requalification au motif pris de la violation des dispositions légales précédemment évoquées incombe à l'entreprise utilisatrice.
Outre que la SAS Adecco ne communique pas certains des contrats de mission alors qu'il est fait obligation aux entreprises de travail temporaire d'établir par écrit les contrats de mission et de les remettre au salarié, l'omission d'une telle remise, entraînant à la demande du salarié la requalification du contrat en contrat de travail de droit commun à durée indéterminée, force est de constater que la SAS Adecco a manifestement agi de concert avec la SAS Helio Corbeil Quebecor dès lors qu'à compter du 22 avril 2003 jusqu'au mois de janvier 2005, elle n'a jamais proposé M. X... d'autres missions que celles qu'elle lui présentait au sein de la SAS Helio Corbeil Quebecor, à raison de plusieurs contrats de missions chaque mois tout au long de la période, réservant ainsi ce salarié à l'usage exclusif et régulier de la SAS Helio Corbeil Quebecor.
En conséquence, la SAS. Adecco qui a concouru positivement à cette situation sera tenue in solidum aux conséquences de la requalification des contrats de mission temporaire en contrat à durée indéterminée, sauf en ce qui concerne l'indemnité de requalification qui sera inscrite au passif de la procédure collective de la SAS Helio Corbeil Quebecor, à la seule charge de l'entreprise utilisatrice »

ET QUE « La cessation des relations contractuelles n'a été formalisée par aucune lettre de licenciement pourtant imposée dès lors qu'il est mis fin à un contrat à durée indéterminée.
Le licenciement est en conséquence tout à la fois irrégulier et dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le salarié est recevable à solliciter des indemnités de rupture et des dommages et intérêts.
Sur la demande d'indemnité compensatrice de préavis :
M. X... est fondé à réclamer une indemnité compensatrice de préavis correspondant à deux mois de salaire soit la somme de 4867 € outre les congés payés afférents à hauteur de 487 €.
Ces sommes seront inscrites au passif de la procédure collective de la SAS Helio Corbeil Quebecor, La SAS Adecco sera condamnée au paiement de ces sommes.
Sur la demande de dommages et intérêts :
M. X... avait une ancienneté inférieure à deux ans.
Il est fondé à réclamer réparation de son préjudice consécutif à la rupture irrégulière et abusive des relations contractuelles en application des dispositions de l'article L. 1235- 5du code du travail.
Compte tenu des documents produits, de sa rémunération, de son expérience professionnelle, des possibilités offertes par le marché de l'emploi pour trouver un nouveau poste, de la longue période de chômage traversée par le salarié, la cour dispose d'éléments suffisants pour fixer à la somme de 8000 € le montant des dommages-intérêts pour rupture irrégulière et abusive des relations contractuelles.
La SAS Adecco sera condamnée au paiement de cette somme.
La créance de M. X... à ce titre sera inscrite au passif de la procédure collective de la SAS Helio Corbeil Quebecor.
Sur l'appel en garantie formé par la SAS Adecco :
La SAS Adecco a régulièrement et sciemment affecté ce salarié à l'usage exclusif de la société utilisatrice et ce pendant toute la durée de la relation de travail.
Il n'y a pas lieu à faire droit au recours en garantie formé par la SAS Adecco »

1. ALORS QU'aucune disposition du code du travail ne prévoit la requalification des contrats de mission en un contrat à durée indéterminée à l'égard de l'entreprise de travail temporaire ; qu'en condamnant la société ADECCO in solidum avec l'entreprise utilisatrice au paiement d'indemnités de rupture, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de divers rappels de salaires, après avoir prononcé la requalification des contrats de mission de Monsieur X... en un contrat à durée indéterminée à l'égard de la société HELIO CORBEIL QUEBECOR, la Cour d'appel a violé les articles L 1251-39, L 1251-40 et L 1251-41 du Code du travail ;

2. ALORS QUE si le contrat de mission doit être établi par écrit, aucune obligation n'est faite à l'entreprise de travail temporaire, en cas de litige, à peine de requalification, de les verser aux débats ; qu'il résultait des propres constatations de l'arrêt que « d'après les documents communiqués, Monsieur X... a effectivement effectué des missions de travail temporaire au sein de la SAS Helio Corbeil Quebecor entre le 22 avril 2003 et le 4 janvier 2005, soit pendant près de 21 mois, dans le cadre de 109 contrats de mission » ; qu'en requalifiant la relation de travail en un contrat de travail à durée indéterminée à l'égard de la société ADECCO au seul motif que celle-ci ne les communiquait pas tous aux débats, lorsqu'elle avait pourtant constaté l'existence de tous ces contrats écrits, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations au regard de l'article L 1251-16 du Code du travail ;

3. ALORS QU'en statuant ainsi, sans à tout le moins préciser quels contrats de mission l'exposante ne communiquait pas aux débats, la Cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article L 1251-16 du Code du travail ;

4. ALORS QUE si les dispositions de l'article L. 1251-40 du code du travail qui sanctionnent l'inobservation par l'entreprise utilisatrice des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, n'excluent pas la possibilité pour le salarié d'agir contre l'entreprise de travail temporaire, ce n'est que lorsque les conditions énoncées par les articles L 1251-16 et L 1251-42 du Code du travail, à défaut desquelles toute opération de prêt de main d'oeuvre est interdite, n'ont pas été respectées par cette dernière ; qu'en condamnant dès lors la société ADECCO in solidum avec la société HELIO CORBEIL QUEBECOR à supporter toutes les conséquences de la requalification des contrats de mission de Monsieur X... en un contrat à durée indéterminée, après avoir relevé qu'en mettant à disposition ce salarié exclusivement auprès de la société HELIO CORBEIL QUEBECOR, elle avait ainsi concouru positivement aux manquements de l'entreprise utilisatrice à ses propres obligations et agi de concert avec elle, la Cour d'appel a violé les articles L 1251-16, L 1251-42, ensemble l'article L 1251-40 du Code du travail.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR condamné la société ADECCO in solidum avec la société HELIO CORBEIL QUEBECOR à verser à Monsieur X... la somme de 1000 € à titre de dommages et intérêts pour perte de chance d'obtenir une participation et un intéressement,

AUX MOTIFS QUE « M. X... communique aux débats le relevé de compte épargne salariale établie par la SAS Helio Corbeil Quebecor au profit d'un salarié, receveur, M. E.... Dès lors que celui-ci a perçu respectivement 407, 72 euros et 730, 09 euros pour les années 2003 et 2004, la cour considère que le préjudice de M. X... au titre de la perte de chance d'avoir pu bénéficier d'un tel intéressement sera équitablement réparée par l'allocation d'une somme de 1000 €, somme au paiement de laquelle sera tenue la SAS Adecco mais qui sera inscrite au passif de la procédure collective de la SAS Helio Corbeil Quebecor »

ALORS QUE l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que Monsieur X... ne sollicitait la condamnation à lui verser des dommages et intérêts au titre de la participation et de l'intéressement que de la société HELIO CORBEIL QUEBECOR, « sans solidarité avec la société ADECCO puisque, à la différence des rappels de salaires réclamés, cette dernière n'est pas débitrice de ces sommes qui sont liées à l'appartenance à l'entreprise et non la contrepartie directe de l'accomplissement de la prestation de travail » (conclusions d'appel du salarié p 16) ; qu'en condamnant la société ADECCO in solidum avec la société HELIO CORBEIL QUEBECOR à verser à Monsieur X... la somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts de ce chef, la Cour d'appel a violé l'article 4 du Code de procédure civile.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR débouté la société ADECCO de son appel en garantie dirigé contre la société HELIO CORBEIL QUEBECOR

AUX MOTIFS QUE « la société ADECCO a régulièrement et sciemment affecté ce salarié à l'usage exclusif de la société utilisatrice et ce pendant toute la durée de la relation de travail. Il n'y a pas lieu de faire droit au recours en garantie formé par la société ADECCO »

ALORS QUE lorsqu'une faute a été retenue à l'encontre de chacun des co-auteurs d'un même dommage condamnés in solidum à le réparer, la répartition de la part de chacun a lieu en proportion de la gravité respective des fautes ; qu'il était constant en l'espèce que les sociétés ADECCO et HELIO CORBEIL avaient été condamnées in solidum à indemniser Monsieur X... à raison des manquements commis par chacune à ses obligations respectives ; qu'en déboutant la société ADECCO de son appel en garantie dirigé contre la société HELIO CORBEIL après avoir constaté qu'elle avait elle-même commis une faute ayant contribué au dommage, lorsque cette faute ne la privait pas de tout recours subrogatoire à l'encontre de la société HELIO CORBEIL de sorte que devait être fixée la part contributive de celle-ci dans le dommage subi par le salarié, la Cour d'appel a violé l'article 1382 du Code civil.



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Cette décision est visée dans la définition :
Temps de travail


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.