par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



Cass. com., 23 avril 2013, 12-14283
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Cour de cassation, chambre commerciale
23 avril 2013, 12-14.283

Cette décision est visée dans la définition :
Redressement




LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :


Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Doneco Ferrettite Celtite que sur le pourvoi incident relevé par la société d'Explosifs et de produits chimiques ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 8 décembre 2011), que par acte du 18 octobre 2001, la société d'Explosifs et de produits chimiques (la société EPC) a cédé à la société Isolants et composites de l'ouest (la société ICO) la quasi-totalité des parts représentant le capital social de la société Doneco Ferrettite Celtite (la société DFC) et de la société Doneco Celtite profilex ; qu'aux termes ce même acte, les parties ont convenu des modalités de remboursement par la société DFC du solde du compte courant d'associé de la société EPC ; que la société DFC ayant été mise en redressement judiciaire le 30 mars 2009, la société EPC a déclaré sa créance au titre du solde de son compte courant ;


Sur le moyen unique du pourvoi principal :

Attendu que la société DFC, M. X... en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société DFC et Mme Y... en sa qualité de mandataire judiciaire, font grief à l'arrêt d'avoir admis la créance de la société EPC, alors, selon le moyen, que le prêt qui n'est pas consenti par un établissement de crédit est un contrat réel qui suppose la remise d'une chose ; que l'avance en compte courant d'associé constitue un tel contrat de prêt, dont l'existence suppose la constatation d'une remise de sommes à la société par un de ses associés ; qu'en se fondant sur le rapport du commissaire aux comptes faisant état d'une avance en compte courant de la société EPC à la société DFC en 1999 et sur la mention de la somme de 1 143 368 euros à la ligne « emprunt et dettes financières divers » du passif du bilan de l'exercice 2001 de la société DFC, pour retenir une créance de remboursement d'avance en compte courant de la société EPC à l'encontre de la société DFC, sans constater, comme elle y était invitée, la remise effective de sommes par la société EPC à la société DFC, au moment où l'avance aurait été consentie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1892 du code civil, ensemble les articles L. 624-2 et L. 631-18 du code de commerce ;

Mais attendu que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation des éléments de preuve qui lui étaient soumis que la cour d'appel a relevé que les documents comptables établis par la société DFC au titre de l'exercice 2001 établissent d'un côté qu'une convention de compte courant a effectivement été conclue entre la société EPC et la société DFC en 1999, de l'autre que la société DFC s'est reconnue débitrice d'une somme de 1 143 367,64 euros due à ce titre par son inscription dans ses comptes et enfin qu'elle a accepté de s'en acquitter selon l'échéancier arrêté lors de la cession des titres ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a implicitement mais nécessairement procédé à la recherche prétendument omise, a légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le moyen unique du pourvoi incident :

Attendu que la société EPC fait grief à l'arrêt d'avoir arrêté le cours des intérêts de sa créance au 31 mars 2009, alors, selon le moyen, que la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en affirmant tout à la fois que « la convention de compte courant ne précisait pas ni la durée pendant laquelle la mise à disposition des fonds était accordée, ni les modalités de son remboursement » et que la société DFC, tenue de rembourser les fonds qu'elle avait reçus en compte courant d'associé, avait « accepté de s'en acquitter selon l'échéancier sur six années arrêté lors de la cession des titres », la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs ne permettant pas à la Cour de cassation de contrôler la légalité de l'arrêt du cours des intérêts, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile ;

Mais attendu que seuls les intérêts résultant d'un contrat de prêt conclu pour une durée égale ou supérieure à un an ou d'un contrat assorti d'un paiement différé d'un an ou plus échappent à la règle de l'arrêt du cours des intérêts prévue à l'article L. 622-28 du code de commerce ; qu'ayant relevé que la convention de compte courant ne précise ni la durée pendant laquelle la mise à disposition des fonds est accordée, ni les modalités de son remboursement, la cour d'appel en a exactement déduit que les modalités de remboursement accordées lors de la cession des titres ne conféraient pas au compte courant la qualité de prêt à plus d'un an ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE les pourvois principal et incident ;

Condamne la société Doneco Ferrettite Celtite, M. X... en sa qualité de commissaire à l'exécution du plan de la société Doneco Ferrettite Celtite et Mme Y... en sa qualité de mandataire judiciaire aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;


Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois avril deux mille treize.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit au pourvoi principal par la SCP Delaporte, Briard et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société Doneco Ferrettite Celtite, M. X..., ès qualités et Mme Y..., ès qualités.

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir prononcé l'admission de la créance de la société EPC au passif du redressement judiciaire de la société DFC pour un montant en principal de 457.347,06 €, augmenté des intérêts échus au 31 décembre 2008 tels que calculés dans les décomptes des intérêts produits et effectués au 31 décembre de chaque année à compter de 2005 au taux conventionnel EONIA + 0,80 %, et de ceux échus et arrêtés au 31 mars 2009 calculés au taux conventionnel EONIA + 0,80 % ;

Aux motifs que « contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, la société ICO, qui s'est engagée en qualité de caution solidaire du remboursement, n'a pu se voir confier par EPC le devoir de rembourser cette dette, ne pouvant être à la fois débiteur principal et caution d'elle-même ; que la société EPC produit par ailleurs divers documents comptables concernant la société DFC établis au titre de l'exercice de l'année de cession ; que selon les comptes de cet exercice clos le 31 décembre 2001, déposés au greffe du tribunal de commerce de Senlis le 5 décembre 2002, et comme le souligne la société EPC, au bilan du passif figure une ligne « emprunt et dettes financières divers » pour un montant de 1.143.368 €, soit 7,5 millions de francs, identique à celui figurant dans l'acte de cession du 18 octobre 2001 ; qu'à la rubrique « règles et méthodes comptables annexe au bilan et au compte de résultat », il y est précisé comme « faits marquants de l'exercice » le changement d'actionnaire principal, la société EPC ayant cédé sa participation au profit de la société ICO ; qu'il est également mentionné que, dans le cadre de cette transaction, la société DFC a bénéficié d'un abandon de créance de la société EPC pour un montant de 76.224,50 € ; que concernant le solde de cette avance, à savoir la somme de 1.143.367,64 €, un échéancier de remboursement y a été défini sur les 6 ans à venir ; que selon le rapport spécial des commissaires aux comptes relatif à cet exercice également versé aux débats, au titre des « conventions approuvées au cours d'exercices antérieurs dont l'exécution s'est poursuivie durant l'exercice clos le 31 décembre 2002 », « lors du conseil d'administration du 30 novembre 1999, la société DFC a accepté de la part de la société EPC une avance en compte courant de 1.219.592 € (soit 8 millions de francs) » ; que la rémunération de cette avance est prévue au taux EONIA majoré de 0,80 % ; que l'article L. 123-23 du code de commerce dispose que « la comptabilité régulièrement tenue peut être admise en justice pour faire preuve entre commerçants pour faits de commerce » ; qu'aucune contestation sérieuse n'étant élevée quant à l'exactitude des documents comptables évoqués ci-dessus, ces pièces, qui sont relatives au bilan de l'activité de la société DFC en 2001 lui sont parfaitement opposables, et établissent, d'une part qu'une convention de compte courant a effectivement été conclue entre EPC et DFC en 1999, d'autre part que la société DFC s'est reconnue débitrice d'une somme de 1.143.367,64 € due à ce titre par son inscription dans ses comptes, enfin qu'elle a accepté de s'en acquitter selon l'échéancier arrêté lors de la cession des titres ; qu'à cet égard, dans son courrier à EPC du 7 janvier 2008, dont l'objet référencé en marge porte sur le solde de l'échéance du 31 décembre 2006, DFC indique y joindre deux chèques, d'un montant de 33.333 € pour l'un, de 33.334 € pour l'autre, et informe EPC de la communication d'un virement de 33.333 € à la Banque populaire pour solde du dernier tiers ; que s'agissant de l'échéance du 31 décembre 2007, elle avise EPC de la mise en place des concours des banques, « cautions du présent engagement, en vue du règlement de l'intégralité de cette échéance pour au plus tard le 25 janvier 2008 » ; que dans une correspondance du 24 janvier 2008, la société DFC indique à la société EPC son envoi de deux chèques d'un montant total de 33.333 € au titre du solde de l'échéance du 31 décembre 2006 ; que ces divers règlements constituent des actes d'exécution de la part de DFC qui confirment l'existence d'une créance au titre de la convention de compte courant d'associé ; que la société EPC ayant justifié de l'existence de son obligation, il appartient à la société DFC de rapporter la preuve de sa libération ; que selon la société EPC, la société DFC a soldé les échéances de 2005, 2006 et 2007, soit un total de 686.020,58 €, il reste donc dû en l'absence de preuve contraire de la société DFC un solde principal de 457.347,05 € ; que la société EPC est donc parfaitement fondée à solliciter l'admission de sa créance au passif de la société DFC au titre du solde du compte courant arrêté au décembre 2008, soit la somme de 457.347,05 € ; que par ailleurs, contrairement à ce que soutiennent les intimés, en raison de la clause d'intérêts prévue à la convention de compte courant conclue en 1999 opposable à la société DFC ainsi qu'il vient d'être énoncé, la société EPC peut se prévaloir de l'existence d'une stipulation conventionnelle d'intérêts au taux EONIA augmenté de 0,80% » ;


Alors que le prêt qui n'est pas consenti par un établissement de crédit est un contrat réel qui suppose la remise d'une chose ; que l'avance en compte courant d'associé constitue un tel contrat de prêt, dont l'existence suppose la constatation d'une remise de sommes à la société par un de ses associés ; qu'en se fondant sur le rapport du commissaire aux comptes faisant état d'une avance en compte courant de la société EPC à la société DFC en 1999 et sur la mention de la somme de 1.143.368 € à la ligne « emprunt et dettes financières divers » du passif du bilan de l'exercice 2001 de la société DFC, pour retenir une créance de remboursement d'avance en compte courant de la société EPC à l'encontre de la société DFC, sans constater, comme elle y était invitée (concl. DFC, p. 7, ult. § et p. 8, § 1 & 2), la remise effective de sommes par la société EPC à la société DFC, au moment où l'avance aurait été consentie, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1892 du code civil, ensemble les articles L. 624-2 et L. 631-18 du code de commerce.

Moyen produit au pourvoi incident par la SCP Baraduc et Duhamel, avocat aux Conseils, pour la société d'Explosifs et de produits chimiques.

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir arrêté le cours des intérêts conventionnels au 31 mars 2009, jour du jugement d'ouverture du redressement judiciaire de la société DFC ;

AUX MOTIFS QUE selon l'article L. 622-28 du code de commerce, le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations, à moins qu'il ne s'agisse des intérêts résultant de contrat de prêt conclu pour une durée d'un an ou plus ; qu'en l'espèce, la convention de compte courant ne précise ni la durée pendant laquelle la mise à disposition des fonds est accordée, ni les modalités de son remboursement ; qu'à cet égard, il est de principe que le créancier d'un compte courant d'associé peut demander à tout moment le remboursement du solde créditeur de ce compte ; qu'en l'absence de modalités de remboursements contractuels supérieurs à un an ou plus, les modalités de remboursement accordées sur plus d'un an lors de la cession de titres ne confèrent pas au compte courant la qualité de prêt à plus d'un an permettant à la société EPC de se prévaloir des dispositions de l'article ci-dessus rappelé ; que le cours des intérêts conventionnels est par conséquent arrêté au jour du jugement d'ouverture du redressement judiciaire ;


ALORS QUE la contradiction de motifs équivaut à un défaut de motifs ; qu'en affirmant tout à la fois que « la convention de compte courant ne précisait pas ni la durée pendant laquelle la mise à disposition des fonds était accordée, ni les modalités de son remboursement » (arrêt, p. 11 § 2) et que la société DFC, tenue de rembourser les fonds qu'elle avait reçus en compte courant d'associé, avait « accepté de s'en acquitter selon l'échéancier sur 6 années arrêté lors de la cession des titres » (arrêt, p. 9 § 6), la cour d'appel a entaché sa décision d'une contradiction de motifs ne permettant pas à la Cour de cassation de contrôler la légalité de l'arrêt du cours des intérêts, violant ainsi l'article 455 du code de procédure civile.



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Cette décision est visée dans la définition :
Redressement


Décision extraite de la base de données de la DILA (www.legifrance.gouv.fr - mise à jour : 09/05/2018) conformément à la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016.