par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



RUPTURE CONVENTIONNELLE (TRAVAIL) DEFINITION
Dictionnaire juridique

Définition de Rupture conventionnelle (Travail)

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En dehors du licenciement et de la démission, le contrat de travail peut être résolu par la conclusion un d'une convention dite " rupture conventionnelle". Les conditions en sont fixées par les articles L. 1237-11 à L. 1237-16 du Code du travail, issus de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 « portant modernisation du marché du travail ». Ce type de rupture du contrat de travail obéit à une procédure spécifique qui nécessite notamment une homologation par le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. Sauf en cas de fraude ou de vice du consentement, une rupture conventionnelle peut être valablement conclue en application de l'article L. 1237-11 du code du travail au cours de la période de suspension consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle. (Chambre sociale 30 septembre 2014, pourvoi n°13-16297, BICC n°813 du 15 décembre 2014 avec une note du SDR et Legifrance). Consulter Ducloz (F.), et Cesaro (J-F.), interventions à l'occasion des rencontres de la Chambre sociale 2015, référencées dans la Bibliographie ci-après.

La rupture d'un commun accord qualifiée "rupture conventionnelle" résulte d'une convention signée par les parties au contrat qui est soumise aux dispositions réglementant ce mode de rupture destinées à garantir la liberté du consentement des parties, savoir les articles L. 1231-1 et L. 1237-11 du code du travail. Il résulte de la combinaison de ces textes que, sauf dispositions légales contraires, la rupture du contrat de travail par accord des parties ne peut intervenir que dans les conditions prévues par le second de ces textes relatif à la rupture conventionnelle. Si, le document signé par les parties ne satisfait pas aux exigences de l'article L. 1237-11 du code du travail, la rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse (Chambre sociale 15 octobre 2014, pourvoi n°11-22251, BICC n°815 du 1er février 2015 avec une note du SDR et Legifrance). Il n'entre pas dans les pouvoirs du juge judiciaire de prononcer, en lieu et place de l'autorité administrative, l'homologation d'une convention de rupture conclue en application des articles L. 1237-11 et suivants du code du travail. Tout litige concernant la convention de rupture, l'homologation ou le refus d'homologation relève de la compétence du conseil de prud'hommes, à l'exclusion de tout recours contentieux ou administratif. Il en résulte qu'en cas de recours contre un refus d'homologation, le Conseil de prud'hommes est compétent non seulement pour dire que la convention de rupture réunissait toutes les conditions pour être homologuée, mais aussi accorder cette homologation (Chambre sociale 14 janvier 2016 pourvoi n°14-26220, BICC n°842 du 15 mai 2016 et Legifrance). Mais, lorsque le contrat de travail est rompu en exécution d'une convention de rupture qui a été ensuite annulée, la rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. le salarié doit alors restituer à l'employeur les sommes versées dans le cadre de la convention annulée (Chambre sociale 30 mai 2018, pourvoi n°16-15273 et Legifrance)

Lorsque le juge du fond constatant que les dispositions d'un accord collectif prévoient une indemnité conventionnelle de licenciement plus favorable que l'indemnité légale de licenciement, il peut retenir qu'une salariée ayant signé une convention de rupture, peut prétendre à une indemnité spécifique de rupture dont le montant ne peut être inférieur à l'indemnité conventionnelle de licenciement. (Chambre sociale 5 mai 2021, pourvoi n°19-24650, Legifrance)

La remise au salarié d'un exemplaire de la convention de rupture étant nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demander l'homologation de la convention, dans les conditions prévues par l'article L. 1237-14 du code du travail, et pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d'exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause, il s'ensuit qu'à défaut d'une telle remise, la convention de rupture est nulle. En cas de contestation, il appartient à celui qui invoque cette remise d'en rapporter la preuve. (Chambre sociale, 23 septembre 2020 pourvoi n°18-25770, Legifrance).

Sauf cas de fraude ou de vice du consentement, une convention de rupture peut être valablement conclue par un salarié déclaré inapte à son poste à la suite d'un accident du travail (Chambre sociale 9 mai 2019, pourvoi n°17-28767, BICC n°910 du 1er novembre 2019 et Legifrance.). Consulter la note de M. Jean-Philippe Tricoit, JCP. 2019, éd. S, Act, n°207 et II, 1222.

La circonstance que l'employeur ait été assisté de son conseil lors de l'entretien préalable à la signature de la convention de rupture ne peut entraîner la nullité de la rupture conventionnelle que si elle a engendré une contrainte ou une pression pour le salarié qui se présente seul à l'entretien (Chambre sociale 5 juin 2019, pourvoi n°18-10901, BICC n°912 du 1er décembre 2019 et Legifrance).

Selon l'article L. 1237-14 du code du travail, l'autorité administrative dispose d'un délai d'instruction de quinze jours ouvrables, à compter de la réception de la demande d'homologation. A défaut de notification dans ce délai, cette homologation est réputée acquise et l'autorité administrative est dessaisie. En cas de conflit portant sur la validité de la décision administrative de refus, le juge doit préciser si la lettre par laquelle l'autorité administrative a refusé d'homologuer la convention de rupture est parvenue aux parties au plus tard à minuit, du jour de la date d'échéance du délai de quinze jours ouvrables dont elle disposait pour notifier sa décision aux partied. A défaut d'une telle notification, il convient de considérer qu'une décision implicite d'homologation est acquise. (Chambre sociale 16 décembre 2015, pourvoi n°13-27212, BICC n°841 du 1er mai 2016 et Legifrance). Cependant, le juge judiciaire ne peut, en l'état de l'autorisation administrative accordée à l'employeur et au salarié bénéficiant d'une protection mentionnée aux articles L. 2411-1 et L. 2411-2 du code du travail pour procéder à la rupture conventionnelle du contrat de travail qui les lie et sans violer le principe de la séparation des pouvoirs, apprécier la validité de ladite rupture, y compris lorsque la contestation porte sur la validité du consentement du salarié et que ce dernier soutient que son consentement aurait été obtenu par suite d'un harcèlement moral (Chambre sociale 20 décembre 2017, pourvoi n°16-14880, BICC n°881 du 1er mai 2018 et Legifrance). Consulter la note de M. Jean-Yves Kerbourc'h, JCP. 2018, éd. S., Act. n°9, et II, 1071.

Mais, il résulte de l'application combinée des articles L. 1237-13 et L. 1237-14 du code du travail qu'une partie à une convention de rupture ne peut valablement demander l'homologation de cette convention à l'autorité administrative avant l'expiration du délai de rétractation de quinze jours prévu par le premier de ces textes. (Chambre sociale 13 juin 2018, pourvoi n°16-24830, BICC n°891 du 15 novembre 2018 et Legifrance).

Le salarié protégé dont la rupture conventionnelle est nulle en raison de l'annulation de l'autorisation administrative doit être réintégré dans son emploi ou dans un emploi équivalent. Lorsque l'employeur n'a pas satisfait à cette obligation, sans justifier d'une impossibilité de réintégration, la résiliation judiciaire prononcée aux torts de l'employeur pour ce motif produit les effets d'un licenciement nul pour violation du statut protecteur (Chambre sociale 15 mai 2019, pourvoi n°17-28547, BICC n°910 du 1er novembre 2019 et Legifrance). Consulter la note de M. Jean-Yves Kerbou'ch, JCP. 2019, n°443.

La Chambre commerciale a jugé que l'existence, d'un différend entre les parties au contrat de travail qui survient au moment de sa conclusion, n'affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture (Chambre sociale 15 janvier 2014, pourvoi n°12-23942, Legifrance). Cependant, même homologué, la convention est annulée si le juge constate que lors de la signature de l'acte de rupture conventionnelle le salarié a subi des violence morale. Les troubles psychologiques qui sont le résultat de ces violences doit amener le juge du fond saisi par le salarié, à annuler l'acte de rupture conventionnelle (Chambre sociale 30 janvier 2013, pourvoi n°11-22332, BICC n°782 du 15 mai 2013 avec les observations du SDR et Legifrance; même Chambre 15 janvier 2014, pourvoi n°12-23942, BICC n°799 du 1er avril 2014 et Legifrance). Consultez la note de Madame Danielle Corrignan-Carsin référencée dans la Bibliographie ci-après.

Lorsqu'un employeur s'est engagé à maintenir des salariés dans leur emploi jusqu'à ce qu'ils atteignent l'âge de 60 ans à moins qu'ils n'optent pour un départ volontaire et que les intéressés ont opté pour un départ volontaire donnant lieu au versement d'une indemnité, il convient d'en déduire qu'en choisissanr cette dernière alternative ils ont ainsi renoncé à se prévaloir de l'engagement souscrit par leur employeur. Ils ne sont plus dès lors, recevables à exiger de leur employeur le versent de dommages-intérêts pour violation de l'engagement de maintenir leur emploi (Chambre sociale 13 mai 2014, pourvois n°13-10781 et divers autres, BICC n°808 du 1er octobre 2014et Legifrance).

L'article L. 1237-12 du code du travail n'instaure pas de délai entre, d'une part, l'entretien au cours duquel les parties au contrat de travail conviennent de la rupture du contrat et, d'autre part, la signature de la convention de rupture prévue à l'article L. 1237-11 du code du travail (Cassation Chambre sociame. soc 19 nov. 2014, pourvoi n°13-21979, Legifrance). L'existence d'un différend entre les parties au contrat de travail n'affecte pas par elle-même la validité de la convention de rupture conclue en application de l'article L. 1237-11 du code du travail Dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation, la juridiction saisie est à même d'apprécier qu'aucune pression ou contrainte n'a été exercée sur la salariée pour l'inciter à choisir la voie de la rupture conventionnelle. (Chambre sociale 3 juillet 2013, pourvoi N°12-19268, BICC n°794 du 15 janvier 2014 et Legifrance). Le même arrêt précise encore que le litige relatif à la rupture conventionnelle du contrat de travail d'un salarié ne porte pas en lui-même atteinte à l'intérêt collectif de la profession. En conséquence, au motif que l'employeur a violé les dispositions du code du travail relatives à ce mode de rupture, une organisation syndicale se trouve irrecevable intervenir à l'instance.

La convention de rupture définit les conditions de celle-ci, notamment le montant de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle qui ne peut être inférieur à celui de l'indemnité prévue à l'article L. 1234-9. Le fait qu'aucune indemnité conventionnelle n'ait été prévue dans la convention de rupture, ne prive pas le salarié de ses droits à indemnisation. L'absence de demande en annulation de la rupture conventionnelle et partant d'invocation de moyens au soutien d'une telle demande, n'interdit pas non-plus à un salarié d'exiger le respect par l'employeur des dispositions de l'article L. 1237-13 du code du travail relatives au montant minimal de l'indemnité spécifique d'une telle rupture. (Chambre sociale 10 décembre 2014, pourvoi n°13-22134, BICC n°818 du 15 mars 2015 et Legifrance). Consulter aussi la note de Madame Danielle Corrignan-Carsin référencée dans la Bibliographie ci-après.

Le droit de rétractation dont dispose chacune des parties à la convention de rupture doit être exercé par l'envoi à l'autre partie d'une lettre adressée par tout moyen attestant de sa date de réception. Si la lettre est adressée, non à l'autre partie signataire de la rupture conventionnelle, mais à l'administration, la rétractation est jugée invalide. Et, donc, en l'absence de rétractation de la convention de rupture, le salarié ne peut prendre acte de la rupture du contrat de travail, entre la date d'expiration du délai de rétractation et la date d'effet prévue de la rupture conventionnelle, que pour des manquements survenus ou dont il a eu connaissance au cours de cette période (Chambre sociale 6 octobre 2015, pourvoi n°14-17539, BICC n° 837 du 1er mars 2016 avec un comentaire du SDR et Legifrance).

Une cour d'appel, qui a relevé que le salarié et l'employeur avaient,, signé une convention de rupture, et devant laquelle il n'était pas contesté que la convention avait reçu exécution, a fait ressortir que ce salarié avait disposé du temps nécessaire pour agir avant l'expiration du délai prévu à l'article L. 1237-14 du code du travail La Cour d'appel en a exactement déduit que la demande en nullité de la convention de rupture, introduite postérieurement à ce délai, était irrecevable. (Chambre sociale 6 décembre 2017, pourvoi n°16-10220, BICC n°881 du 1er mai 2018 et Legifrance). Consulter la note de M. Gweenhaël François, JCP. 2018, éd. S., II, 1005

Textes

  • Code du travail, articles L. 1237-11 à L. 1237-14 et s., R. 1237-3, R.3132-12 et s
  • Ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 modifiée relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période. .
  • Décret n° 2020-471 du 24 avril 2020 portant dérogation au principe de suspension des délais pendant la période d'état d'urgence sanitaire liée à l'épidémie de covid-19 dans le domaine du travail et de l'emploi.
  • Décret n° 2021-1639 du 13 décembre 2021 portant obligation de recours au téléservice pour réaliser la demande d'homologation de la convention de rupture du contrat de travail
  • Bibliographie

  • Cesaro (J-F.), Les ruprures négociées (distinctions et régimes), intervention lors des rencontres de la Chambre slociale 2015, BICC n°828 du 1er octobre 2015.
  • Corrignan-Carsin (D.), Un salarié peut solliciter un complément d'indemnité sans demander la nullité de la rupture conventionnelle. La Semaine juridique, édition générale, n° 1-2, 12 janvier 2015, Actualités, n° 20, p.31, note à propos de Soc. - 10 décembre 2014.
  • Ducloz (F.), Les ruptures négociées (ruptures conventionnelles ou ruptures amiables), intervention dans les rencontres de la Chambre sociale 2015, BICC n°828 du 1er octobre 2015.
  • Gamelin (C.), Quitter l'entreprise : rupture conventionnelle, licenciement, démission, Levallois-Perret : Studyrama-Vocatis, 2012. du
  • Gamet (L.), Rupture du contrat de travail : licenciement, ruptureer mars conventionnelle..., procédure, contentieux, 11e éd. Delmas, 2008.
  • Loiseau (G.), La rupture conventionnelle, indépendante et exclusive. La Semaine juridique, édition sociale, n°46, 11 novembre 2014, Jurisprudence, n°1436, p.28 à 31, note à propos de Soc. - 15 octobre 2014.
  • Sengler (T.), Se séparer d'un salarié : la rupture conventionnelle, Clapiers : Remarkable, 2012].
  • Stulz (V.), Ruptures conventionnelles et ruptures négociées, Paris : EFE, Éd. Formation entreprise, 2012.

  • Liste de toutes les définitions