par Serge Braudo
Conseiller honoraire à la Cour d'appel de Versailles



FORCE MAJEURE DEFINITION
Dictionnaire juridique

Définition de Force majeure

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Baumann Avocats Droit informatique

La "force majeure" est la circonstance exceptionnelle, étrangère à la personne de celui qui l'éprouve, qui a eu pour résultat de l' empêcher d'exécuter les prestations qu'il devait à son créancier. Pour que la force majeure entraîne un tel effet il est nécessaire que le juge constate que l'événement dont le débiteur se prévaut ait eu une intensité telle, qu'il ne pouvait y résister. Un arrêt de la Première Chambre civile de la Cour de cassation du 6 nov. 2002 ; (Sté Clio "Voyages Culturels" c/ T. : Juris-Data n° 016221 et 1ère Civ. - 30 octobre 2008, BICC n°697 du 1er mars 2009). décide que seule l'irrésistibilité et l'imprévisibilité dans son exécution, dont la survenance doit être appréciées à la date de la conclusion du contrat, caractérise la force majeure.

Il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu'un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l'exécution de son obligation par le débiteur. Ainsi, le créancier qui n'a pu profiter de la prestation à laquelle il avait droit ne peut obtenir la résolution du contrat en invoquant la force majeure. (Première Chambre civile 25 novembre 2020, pourvoi n°19-21060, Legifrance).

Ainsi, le fait que, dans un train, une personne se soit soudainement approché d'un passager qu'il a poignardé, qu'il n'ait fait précéder son geste de la moindre parole ou de la manifestation d'une agitation anormale, un tel geste, en raison de son caractère irrationnel, la circonstance qu'il n'eut pu être empêché par le personnel du transporteur dans la voiture, non plus que par une quelconque autre mesure à bord du train, une telle agression a présenté pour le transporteur un caractère imprévisible et irrésistible. (1ère Civ. du 23 juin 2011, pourvoi n°10-15811, BICC n°751 du 15 novembre 2011 et Legifrance). Autre cas semblable, au moment où un train entrait en gare, un homme a été soudainement ceinturé et entraîné sur les voies par un tiers. Chutant sur les rails, les deux hommes ont été immédiatement percutés par le train et sont décédés. Une cour d'appel a relevé, par motifs propres et adoptés, que l'agresseur souffrait de schizophrénie et entendait des voix : aucune altercation n'avait opposé les deux hommes qui ne se connaissaient pas, un laps de temps très court s'était écoulé entre le début de l'agression et la collision avec le train L'enquête pénale avait conclu à un homicide volontaire et à un suicide et qu'aucune mesure de surveillance ni aucune installation n'aurait permis de prévenir ou d'empêcher une telle agression. La cour d'appel, sans inverser la charge de la preuve, a pu décider que le fait du tiers avait présenté pour cette dernière un caractère irrésistible et imprévisible pour en déduire, à bon droit, l'existence d'un cas de force majeure (2e Chambre civile 8 février 2018, pourvoi n°17-10516, BICC n°883 du 1er juin 2018, et encore, même Chambre, même date, pourvoi n°16-26198, même BICC et Legifrance). Prendre connaissance de la note de Madame Gallmeister référencée dans la Bibliographie ci-après.

La survenance de la force majeure est une cause d'irresponsabilité, c'est un principe général du droit français qui est applicable au domaine de la responsabilité et ce, qu'elle soit contractuelle, délictuelle ou quasi-délictuelle. On cite le cas de la tempête d'une exceptionnelle intensité, de celui de l'accident de la circulation produit par le dérèglement du système de signalisation ou du cas encore, où une voiture en a heurté une autre en raison de la présence d'huile répandue sur la chaussée qui n'a pas permis à l'un des conducteurs de maîtriser sa direction. Dans un arrêt du 13 septembre 2001, la Cour d'appel de Versailles (12éme Ch., sect. 2), (BICC n°553 du 1er avril 2002) a jugé qu'une grève générale d'ampleur nationale née d'une réaction à des mesures gouvernementales, qui n'était ni prévisible ni susceptible d'être contrée par des négociations internes à l'entreprise puisque son issue dépendait de décisions d'ordre politique, et qui était insurmontable techniquement comme affectant la vie économique du pays tout entier, revêtait tous les caractères de la force majeure. C'est donc à bon droit que La Poste se prévalait des dispositions de l'article 1148 du Code civil pour s'exonérer de sa responsabilité à l'égard de ses clients relativement aux graves perturbations de son service liées à la grève de décembre 1995. Dans un arrêt du 12 février 2003 la Chambre sociale de la Cour de cassation a posé pour règle que la force majeure suppose, d'abord, un événement extérieur irrésistible, ce qui constitue la reprise des éléments constitutifs classiques de la force majeure. Le fait que le passager d'un train ait été poignardé par un autre passager sans que l'auteur ait fait précéder son geste de la moindre parole ou de la manifestation d'une agitation anormale, a pu, en raison de ce qu'une telle action n'a pu être empêchée ni par un contrôle à bord du train, ni par la présence permanente d'un contrôleur, non plus que par une quelconque autre mesure à bord du train, a présenté pour la SNCF un caractère imprévisible et irrésistible (1ère Chambre civile, 23 juin 2011, pourvoi n°10-15811, LexisNexis et Legifrance). Un incident dans le système informatique de la banque d'un locataire auprès de laquelle ce dernier il avait passé un ordre de virement destiné au règlement des loyers échus, a également été jugé constituer un cas de force majeure. L'évènement qui était à la fois, extérieur au débiteur, imprévisible et irrésistible, justifiait que le juge du fond ait annulé le commandement de quitter les lieux et le procès-verbal de tentative d'expulsion. (3e Chambre civile 17 février 2010, pourvoi n°08-20943, BICC n°725 du 1er juillet 2010 et Legifrance). Consulter la note de M. Ruet référencée dans la Bibliographie ci-après.

Notons cependant que la Chambre sociale, comme avant elle, la première chambre civile (9 mars 1994, Bull. n° 91) et la chambre commerciale (1er octobre 1997, Bull. n° 240), ne fait plus de l'imprévisibilité un critère propre de la force majeure. Ce critère se fond désormais dans celui d'irrésistibilité en ce sens que l'irrésistibilité de l'événement est, à elle seule, constitutive de la force majeure lorsque sa prévision ne saurait permettre d'en empêcher les effets, sous réserve que le débiteur ait pris toutes les mesures requises pour éviter la réalisation de l'événement.

La force majeure n'exonère le débiteur de ses obligations que pendant le temps où elle l'empêche de donner ou de faire ce à quoi il s'est obligé (3ème CIV. - 22 février 2006, n°641 du 1er juin 2006) et encore à condition que les faits évoqués constituent un fait BICC) imprévisible et insurmontable d'un tiers étranger à la fourniture des prestations prévues au contrat (1ère CIV. - 18 octobre 2005. BICC n°633 du 1er février 2006).

Depuis la loi n.85-677 du 5 juillet 1985, art. 2 qui est fondée sur l'idée de risque, les victimes, y compris les conducteurs ne peuvent se voir opposer la force majeure ou le fait d'un tiers par le conducteur ou par le gardien d'un véhicule impliqué dans un accident de la circulation. Dans toutes les autres matières, la reconnaissance de la force majeure a pour effet d'exonérer celui qui l'a subie de toute responsabilité.

On assimile à la force majeure, le "cas fortuit " duquel il est impossible de la détacher et qui est la circonstance imprévisible qui a empêché le débiteur d'exécuter son obligation, par exemple la survenance d'une grève générale ou d'une guerre qui a privé le débiteur de la source de ses approvisionnements.

Consulter : Dépôt.

Textes

  • Code civil, articles 607, 1148, 1302, 1348, 1722.
  • Loi n°85-677 du 5 juillet 1985, Loi n°85-677 du 5 juillet 1985, tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation, article 2.
  • Ordonnance n° 2020-538 du 7 mai 2020 relatif aux conditions financières de résolution de certains contrats en cas de force majeure dans les secteurs de la culture et du sport. .
  • Bibliographie

  • Ameziane (P.), La Force majeure en droit judiciaire français, 1977.
  • Antonmattei (P. -H.), Contribution à l'étude de la force majeure, Thèse Montpellier I, 1992.
  • Carbonnier (J.), Droit civil. t.4, Les obligations. PUF, 22ème éd. 2000.
  • Chabas (F.), Peterka (N.) et Chabas (C.), Dalloz Rep. civil V° Force majeure.
  • Gallmeister (I.), Agression d'un voyageur : exonération de la SNCF pour force majeure, Recueil Dalloz n°27 du 14 juillet 2011, Actualité/Droit civil, p.1817.
  • Junod (Ch. -A.), Force majeure et cas fortuit dans le système suisse de la responsabilité civile, Genève, Librairie de l'Université, 1956.
  • Le Roy (D.), De la force majeure dans le commerce international, thèse Paris I, 1991.
  • Malaurie (Ph.), Cours de droit civil. Tome VIII, Les Contrats spéciaux, civils et commerciaux, vente, mandat, bail, contrat d'entreprise, échange, location-vente, crédit-bail, contrats de distribution, dépôt, prêts, jeu et pari, rente viagère, transaction, clause compromissoire, compromis, 12ème éd., Cujas 1998.
  • Ruet (L.), Force majeure, virement bancaire et paiement du loyer, Répertoire du notariat Defrénois, n°9, 15 mai 2010, Jurisprudence, Décisions commentées, n°39115, p. 1066 à 1072, note à propos de 3e Civ. - 17 février 2010
  • S


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